Charles IX et le muguet du 1er mai

Charles-IXSacré Charles IX. Si l’enfant roi avait couché ses souvenirs de jeune souverain sur un parchemin, la tradition du muguet du 1 er mai serait établie une bonne fois pour toutes. Or là, l’histoire (ou la légende) a une version couramment admise mais aussi une ribambelle de variantes à y faire perdre son latin à plus d’un Médicis.

Pour Claude Paulin, le président de l’office de tourisme de Saint-Paul-Trois-Châteaux en Drôme provençale, l’affaire est pourtant limpide comme de l’eau de roche. En 1564, Catherine de Médicis, partie en Provence rabibocher catholiques et protestants avant l’Édit de Nantes, fait halte en Tricastin. Indésirable à Suze-la-Rousse, elle passe la nuit à Saint-Paul chez le chevalier de Girard de Maisonforte qui lui offre une magnifique brassée de muguet de son jardin. Grâce à l’opération du Saint-Esprit qui épargne aux fleurs les affres du trajet de retour vers le château de Fontainebleau, elle remet intact le bouquet au roi Charles IX. Malgré son jeune âge, sa majesté n’a que 14 ans, le roi est rompu aux bonnes manières. Il fait sur le champ une distribution généreuse des brins de muguet aux galantes de sa cour et décide “qu’il en sera ainsi” chaque 1 er mai.

Et voilà pourquoi depuis la Renaissance malgré quelques chaos historiques par la suite, le muguet est si intimement lié au 1 er mai pour le plus grand bonheur de celles qui en reçoivent et… des vendeurs à la sauvette. Claude Paulin qui bien des siècles plus tard fit de l’hôtel du chevalier de Girard un restaurant réputé est pourtant habité par un regret : “Qu’aucun historien ne se soit penché sérieusement sur cette histoire”. “Sire, que ce muguet tricastin vous porte bonheur”

Pourtant cette belle histoire qui fait du Tricastin le berceau d’une des plus solides traditions de France connaît tant de versions que les sceptiques trouveront toujours matière à chipoter.

L’une de variantes reprend les mêmes héros mais situe l’intrigue en 1566, soit deux ans plus tard que “l’histoire officielle”. Louis de Girard de Maisonforte est mandaté par Catherine de Médicis pour une mission de bons offices en Italie. Sur le chemin du retour plutôt que d’aller rendre compte dare-dare au roi, il fait le crochet par Saint-Paul-Trois-Châteaux. Craignant d’arriver les mains vides à la cour, il cueille un bouquet de muguet qui lui aussi supportera miraculeusement le voyage jusqu’à Fontainebleau. Devant le roi le chevalier aura ces mots : “Sire, que ce muguet tricastin vous porte bonheur”. À cet instant, le roi partage brins et clochettes blanches avec les dames de la cour et donne le top départ à une tradition séculaire.

Une tradition qui trouvera sa traduction légale à la Révolution lorsque le conventionnel Paillan, lui aussi natif de Saint-Paul-Trois-Châteaux, autorisera la vente libre du muguet sur la voie publique.

Comme pour conserver une part de mystère à cette histoire, certains prétendent qu’en réalité tout se noua à Saint-Paul même. La Reine-mère Catherine de Médicis revenait de Provence où elle était allée lire dans le marc de café chez son astrologue Nostradamus.

Le hasard et Nostradamus faisant bien les choses, c’est lors d’une pause en Tricastin qu’on lui offrit du muguet qu’elle s’empressa de remettre au roi. Partageux comme pas deux, Charles IX le distribua à la cantonade et du haut de son autorité royale ordonna que le même geste soit répliqué chaque 1 er mai… Sus à l’églantine

Les jaloux ont du mal à avaler cette légende qui fait à leurs yeux la part trop belle à la Drôme provençale. Ces grincheux affirment que le muguet du 1 er mai a éclos à la boutonnière du chansonnier Mayol en 1895. Le père de “Viens poupoule” portait un brin de la fleur porte-bonheur lorsqu’il rencontra le 1 er mai sa chère et tendre Jenny Cook.

En 1941 Pétain lui vit dans le muguet une fleur politiquement correcte. Il profita d’instaurer officiellement la “fête du travail et de la concorde sociale” le 1 er mai pour installer le muguet en lieu et place de l’églantine rouge qui avait cours jusque-là et dont la couleur était associée à la gauche. Charles IX et Catherine de Médicis pouvaient alors dormir en paix, les choses étaient rentrées dans l’ordre.

Source : Le Dauphiné