François Ier à Chambord, Blois et Pavie


Visite interdite du château de Blois.

Blois, la muraille engloutie

Voilà exactement cinq siècles, François 1er, ce jeune géant aimant la bouffe, les femmes et la guerre, hérite du trône de France. Une de ses premières décisions est de quitter le château d’Amboise pour s’installer dans celui de Blois avec son épouse Claude et toute la cour. Il décide de s’offrir une nouvelle aile de style Renaissance dont il confie la construction à l’architecte italien Dominique de Cortone, le Boccador. Il lui ordonne de mettre les bouchées doubles. Du coup, celui-ci ne prend même pas la peine d’abattre la muraille où s’élèvera la nouvelle construction, il l’intègre dans la maçonnerie. Le maître maçon Jacques Sourdeau reçoit l’ordre de disposer les nouvelles salles côté cour et les galeries et les « chambres » ouvrant sur des loges, côté campagne. La conservatrice en chef de Blois Élisabeth de la Trémolière nous entraîne dans les combles de l’aile de François Ier où le vieux rempart et ses tourelles restent parfaitement visibles.

La fosse septique de Chambord

Très vite, le château de Blois ne suffit plus à François Ier. Sitôt après sa victoire de Marignan, il décide de s’offrir le palais le plus grandiose de la chrétienté pour loger la cour durant les chasses royales. Ainsi naît Chambord. Le grand mystère reste le rôle de Léonard de Vinci, protégé du roi de France, dans la conception des plans du château. Bien qu’aucune preuve matérielle ne le confirme, il semble que le génie italien soit à l’origine de plusieurs structures. Seulement, il meurt quatre mois avant le démarrage des travaux, le 6 septembre 1519. Il faudra une trentaine d’années pour que Chambord soit achevé. Quand François Ier meurt en 1547, il n’aura dormi que 72 nuits à Chambord !

La patte de Léonard de Vinci à Chambord est notamment visible dans la… fosse septique ! En effet, dans ce palais, pas question de caguer et d’uriner dans un recoin. L’architecte de François Ier a prévu la présence de plusieurs cabinets d’aisance du dernier cri : des bancs  en pierre percés de plusieurs trous où ces messieurs dames lâchaient leurs étrons, côte à côte, tout en devisant poliment. Dans les étages, les nobles habitants faisaient leurs besoins dans des pots qui étaient ensuite vidés par les domestiques dans des conduits percés dans la maçonnerie et qui donnaient dans les fosses septiques intégrées dans les fondations des quatre tours du donjon.

Aujourd’hui, l’une de ces fosses a été fouillée par des archéologues à qui elle a livré ses secrets. Comme le recommandait Léonard dans ses écrits, elle comprend un deuxième conduit d’aération, et surtout deux fosses accolées. L’une pour recevoir les étrons royaux, l’autre pour servir de bassin de décantation.


Château de Chambord : immersion dans les latrines.

L’épée du roi volée à Pavie

Aujourd’hui, cette épée trône dans une vitrine du musée de l’Armée de l’Invalide. Il s’agit d’une arme d’apparat portée uniquement durant les cérémonies. C’est une pure merveille d’orfèvrerie. La lame italienne est signée du fourbisseur Cataldo. La salamandre, emblème personnel de François, se retrouve en plusieurs endroits. Comme elle n’est pas surmontée d’une couronne, on peut supposer qu’elle a été forgée avant que François ne monte sur le trône. Le pommeau est orné de feuilles d’acanthe dorées tandis que la poignée torsadée est largement émaillée. Richement décorée elle aussi, la lame est plate avec une gouttière centrale.

Sur les quillons de l’arme, on peut lire une phrase en latin signifiant « Il a placé la puissance dans son bras ». Une puissance insuffisante puisque le souverain est défait à Parie, le 24 février 1525. Sur son cheval caparaçonné, François 1er se bat comme un beau diable. Il est impressionnant. À 31 ans, ce géant est au mieux de sa forme. Revêtu de son armure, il découpe en tranches les lansquenets qui l’entourent. À ses côtés, les gentilshommes de sa maison combattent avec le dernier acharnement. Il faut sauver le roi, l’empêcher d’être fait prisonnier, ou pire, d’être occis. Autour d’eux, des milliers de gens d’armes s’éventrent. Des boulets fendent les airs. Les trompettes relaient les ordres. Mais les troupes françaises sont bien mal engagées, l’armée impériale prend le dessus. Les cavaliers français alourdis par leurs armures sont jetés bas par la piétaille et poignardés à la jointure des cuirasses sans pouvoir se défendre.

Le roi voit se précipiter vers lui le marquis de Civita Santo Angelo. Il n’a que le temps de mettre sa lance en arrêt pour empaler son assaillant. François 1er empoigne son épée pour se défendre vaillamment. Son entourage tente de rameuter des troupes, mais elles ne parviennent pas à se frayer un chemin dans la cohue. Dans le camp impérial, des cris s’élèvent : « Victoire ! Victoire ! Espagne ! Espagne ! Le roi est pris ! » En entendant, ces cris de victoires, les soldats du camp français s’enfuient épouvantés. Bonnivet, voyant combien il a mal conseillé le roi, enlève son heaume et fonce vers l’ennemi pour mourir. De nombreux soldats français dans leur hâte à quitter le champ de bataille plongent dans le Tésin pour s’y noyer.

François est désormais seul, entouré des piétons et arquebusiers espagnols. Le sonneur du roi continue à s’époumoner pour rallier les secours. En vain. Le capitaine Cesar Hercolani est le premier à blesser son cheval. Celui-ci s’abat. Le roi combat maintenant à pied, frappant de sa grande épée. Il est blessé à la main, au visage. Trois Espagnols se précipitent : Diego Davila, Juan de Urbieta et Alonso Pita da Veiga. Chacun veut faire prisonnier le Français ou le tuer. Celui-ci n’est sauvé que par la survenue de Lannoy, le vice-roi de Naples, natif de Valenciennes, il fait reculer ses hommes et crie au roi de déposer les armes : « Sire, nous vous connaissons bien ; rendez-vous, afin de ne vous faire tuer ; vous voyez bien que vous n’avez point de suite et que vos gens s’enfuient, et que votre armée est défaite. » Le géant sent que c’est la voix de la raison. II soulève la visière de son heaume, laissant voir un visage rouge. Il est épuisé, cherche son souffle. Il enlève son gantelet de fer pour le remettre au vice-roi. On l’aide à retirer son heaume, il met à la place un bonnet de velours pour se protéger du froid. François 1er arrache les restes de sa cuirasse, le voilà aux trois quarts nus.  « Sire, êtes-vous blessé ? » s’enquiert Lannoy. « Non… guère. »

Dans le camp ennemi, trompettes, clairons, tambourins et fifres répandent la nouvelle de la victoire. Mais durant de longues minutes, les Espagnols, ivres de sang, continuent leur massacre. Combien de morts ? 10 000 ? 20 000 ? Nul ne le saura jamais. Le roi vaincu est mené à Pavie. Le roi de Navarre et le comte de Saint-Paul également fait prisonnier parviennent à s’échapper.

La tente de François Ier est aussitôt pillée par les vainqueurs. Le colonel major des Italiens Juan Aldana s’empare de l’épée d’apparat du souverain français. Soixante ans plus tard, son fils la vend au roi d’Espagne Philippe II. Deux siècles passent. L’Espagne est alors occupée par les Français. Napoléon demande à Murat de s’emparer de l’épée de François Ier pour la rapporter à Paris. À partir de 1808, l’empereur la conserve dans son cabinet de travail du palais des Tuileries jusqu’à son abdication en 1815.


Les incroyables trésors de l’Histoire : l’épée d’apparat de François 1er

Source : Le Point