Histoire de la fleur de Lys

Histoire et Symbolisme de la Fleur de Lys

Introduction

Il existe deux orthographes possibles pour le même nom : lis ou lys. La seconde orthographe, peu utilisée aux XVIIème et XVIIIème siècles, est devenue très courante depuis le XIXème siècle, surtout au sens héraldique.

Avant d’être appelée « fleur de lis », elle était dite « fleur royale » ou reine des fleurs par les Pères de l’Église.

Le terme de « fleur de lis » n’est apparu qu’au XIIème siècle, dans Erec et Enide de Chrestien de Troyes. Il viendrait du latin lilium, ou de fleur de li (fleur de roi), li signifiant dans cette langue roi, souverain, qu’il est permis de rapprocher de Llys qui voudrait signifier dans cette même langue : salle, cour ou palais, et de Gwen-Lys qui veut dire homme de cour.

Le lis héraldique ne ressemble que peu au lis des jardins mais lui est associé une valeur symbolique toute particulière.

Il existe plusieurs variétés de lis des jardins : le lis blanc est dit lilium candidum ou lis commun, le lis jaune orangé ou « lis faux safran » est dit lilium croceum. Lis est entré par analogie dans la dénomination d’autres plantes telles que le « lis d’étang » pour nénuphar, « lis de mai » ou « lis des Vallées » pour muguet, « lis Saint-Jacques » pour l’amaryllis, « lis jaune » pour liseron tricolore, etc. Lis a produit liseron en 1538 : selon Pline l’Ancien, la nature voulant produire la fleur de lis pour être la reine des fleurs, elle n’osa entreprendre un tel chef-d’œuvre d’un seul coup et s’essaye avec le liseron.

Toutes sortes d’origines ont été données à la fleur de lis. Le père Daniel prétendait qu’elle avait d’abord été « le fer d’un javelot dont les soldats francs se servaient sous la première race ; que ce javelot servit d’abord de sceptre à nos rois qu’en suite la figure du fer qui terminait cette arme passa sur leur couronne, puis sur leurs habillements, sur leurs cottes d’armes et enfin sur l’écusson de leurs armoiries, quand les armoiries furent créées ». D’autres, s’appuyant sur Montfaucon, voyaient l’origine des fleurs de lis dans des fers de pique ou des hallebardes des francs. Certains auteurs ont également écrit que ce fût Louis VII qui la fixa pour armoiries, par allusion à son nom Loys, comme il l’écrivait alors ; la « fleur de Loys » serait ainsi devenue « fleur de Louis » puis « fleur de lis ». Le père Henschenius signalait une médaille de Dagobert 1er représentant le souverain avec à la main les trois septres des royaumes d’Austrasie, de Normandie et de Bourgogne ; il s’agit selon lui de l’origine de la fleur de lis, « parce que étant liés ensemble par le bras, ces trois sceptres ne représentent pas mal, la fleur de l’iris ».

Les clercs du Moyen Âge voulaient faire correspondre les noms aux choses. Le lis fut ainsi associé au soleil et à l’étoile, images célestes de la lumière, ou au lis blanc des jardins pour symboliser la pureté de la Vierge Marie. Ce qui importe dans la couleur de la fleur de lis n’est pas sa couleur dorée, qui est loin de la fleur de lis des jardin, mais avant tout le symbole trinitaire.

Avec le temps, le lis a changé de style mais a toujours gardé la même forme : une partie centrale et deux parties latérales retenues par la « barrette ». Les éléments inférieurs sont dits les « barreaux », pouvant être réunis en un seul pied en forme de losange (on parle de « fleur de lis au pied posé ») ou supprimés (on parle alors de « fleur de lis au pied nourri »). Quand des étamines intercalaires accentuent sa ressemblance avec le lis végétal, le fleur de lis est dite « florencée », « florettée » ou « épanouie ». Elle est parfois représentée au naturel et est alors dite « lis au naturel » ou « lis des jardins ».

Aujourd’hui, la fleur de lis ou de lys est présente dans les armoiries de la France royale, dans celle de nos provinces et de nos villes, mais elle est également présente sur les armes et le drapeau du Québec ainsi que sur le drapeau de la république de Bosnie.

Les Armes de Clovis

Selon la légende, c’est à Clovis que les armes de France (« d’azur à trois fleurs de lis d’or ») auraient été envoyées par Dieu pour sa conversion à la vraie religion. La littérature concernant cette légende est apparut au XIVème siècle ; le texte le plus ancien semble être un manuscrit latin faisant partie d’une compilation réalisée au XVème siècle à l’abbaye de Saint-Victor à Paris, commandé pour consigner une tradition orale. Dans ce texte, Clovis est présenté comme un chef païen fixé à « à la Montjoie », sur le territoire de l’actuelle ville de Saint-Denis.

Dans la première version de la légende mentionnée dans le manuscrit latin, Clovis, malgré les supplications de son épouse chrétienne Clotilde, n’envisage pas de se convertir. Un jour, il est provoqué en combat singulier par Conflac, présenté dans le texte comme établi à Conflans-Sainte-Honorine. Conflac est grand, fort et vigoureux, au contraire de Clovis, mais ce dernier reste confiant grâce au signe très ancien des croissants qui décorent son bouclier et aux sacrifices propitiatoires que son peuple célèbre. Au moment ou s’engage la bataille, les croissants se transforment en fleurs de lis et Clovis change alors de bouclier mais le phénomène recommence. Après avoir changé de bouclier par trois fois, il accepte le nouveau signe qui décore son écu et accepte de se battre. Clovis remporte alors la victoire. Intrigué par ce prodige, il interroge alors son épouse Clotilde : « Qu’est-ce donc que ce lis, répété trois fois sur fond d’azur ? » « La Sainte-Trinité te donne ô Clovis la victoire », lui répondit la reine, « afin que l’unité des trois fleurs d’or sur ton bouclier t’apporte une longue durée et que ton autorité préside à un âge d’or. Quant à l’azur du champ de l’écu, il préfigure le ciel que le Christ te promet si tu crois au vrai Dieu ». Convaincu, Clovis se convertit à la foi de son épouse. Cette première partie a pu être écrite au XIIème siècle.

Une seconde version de la légende est mentionnée dans le manuscrit latin. C’est un ange qui aurait apporté du Ciel le modèle des armes royales, le remettant à un ermite de Joyenval que Clotilde nourrit régulièrement. Le saint homme, messager du ciel, recommande à la reine de gratter en secret les croissants du bouclier de son époux Clovis et d’y substituer le nouveau signe. Cette version de la légende s’est peu à peu imposée pour devenir quasi officielle sauf que, selon Raoul de Presles au XIVème siècle, l’ennemi que Clovis était « le roy Caudat qui estoit sarrazin et adversaire de la foy chrétienne ». Il vivait également à Conflans mais était venu « d’Allemaigne ». Cette seconde partie a pu être écrite au XIVème siècle.

Au XVème siècle, Jean de Golein, religieux carme, rapporta une autre légende sur les origines des armes de France selon laquelle « Monseigneur saint Denis donna aux roys de France les armes des fleurs de lis ». Jean de Golein parlait alors d’une bannière fleurdelisée des rois de France qui avait été « baillée par le sainct hermite Joyenval », comme le lui avait appris « son maître Raoul de Praeles » ; il était convaincu que le bouclier aux lis de Clovis avait été apporté par un ange à saint Denis évêque de Paris, alors que celui-ci résidait dans un château nommé « Mongois » et qui avait été à l’origine du crié « Montjoie saint Denis ».

Philippe de Vitry dans le Chapel des Fleurs de Lis vers 1205 avait déjà écrit que les trois fleurs figuraient la foi, la sagesse et la chevalerie et que c’était trois saints martyrs de Paris : Denis, Rustique et Eleuthère qui avaient apporté les armes aux fleurs de lis.

Vers la même époque, Nicoles Gilles rapportait la légende dans ses Annales de France. Il y évoquait bien l’histoire de l’« ermite prud’homme » mais plaçait la fontaine de « Joye en Val » en forêt de Poissy. Les trois crapauds étaient devenus trois croissants et le nombre de fleurs de lis n’était pas précisé. L’ennemi n’était pas allemand, mais le roi sarrasin Andoc « venu d’Allemagne avec grande multitude de gens » et ayant « son siège devant Conflans-Sainte-Honorine près de Pontoise ».

Dans ces légendes, croissants et crapauds se concurrencent au gré des auteurs.

A partir du XVème siècle, les crapauds semblent avoir la faveur sur les croissants. En 1457, dans son Livre du Coeur d’amour épris, le roi René leur donnait des origines troyennes, les attribuant à Pâris, ancètre supposé des Parisiens. Ce héros aurait porté « crapaux d’azur à trois rampans d’or fin ».

Les trois crapauds semblent être apparus dès le XIIIème siècle dans le Roman de la Belle Hélène de Constantinople, écrit en 1262 : « C’estoient trois crapauds portraits d’oeuvre dorée Mais Dieu voult qu’ils n’eussent plus celz armes portées Ayant lui envoya par miracle ordonné Trois fleurs de lis d’or fin en champaigne assurée De par Jhésus lui fust ceste enseigne ordonnée. »

En 1604, dans son Traité de la loi salique, Claude Malingre affirmait encore que bien qu’il ait vu à Reims un écu à trois croissants « gardé es chartes de l’Eglise de Sainct Rémy », il avait vu à Montargis « trois crapaux anciennes armes de France ». Au chapitre XIX, intitulé Interprétation des trois fleurs de lys divinement envoyées d’en haut pour servir d’armes et de blasons aux Roys de France, il donnait un sens aux trois éléments principaux du symbole : « Le haut fleuron du milieu signifie loye et foi en Jésus-Christ, et les deux de moyenne hauteur qui sont l’un à dextre et l’autre à senestre signifient sapience et noblesse, lesquelles sont ordonnées pour soutenir, garder et défendre le haut fleuron qui est au milieu des deux, savoir la divine loy : l’une c’est à savoir sapience, par arguments, raison et bonne doctrine enseignée par les Docteurs, clercs et universités dont notre royaume est plus décoré que nul autre. Et l’autre par force et puissance, d’armes : ce sont les princes, barons et chevaliers et autres plusieurs nobles dont le royaume est rempli. »

En 1611, dans ses Antiquités et histoires gauloises et françoises, le président Fauchet écrivait que les « blasonneurs de l’escu de France » avaient voulu « montrer que les premiers François qui étaient sortis des Sicambres, habitants des Marets de Frise (vers Hollande, Zélande et Gueldres) » avaient voulu donner « à nos Rois la fleur de Panillée (qui est un petit lis jaune) laquelle vient près et dedans les Marets ». La même origine est reprise par Vulson de la Colombière qui rapporte l’opinion d’anciens auteurs : « Clovis notre premier Roy chrestien eut obtenu une signalée victoire contre les Alemans, tous les soldats François de son armée cueillir des fleurs de lys jaunes dans un marais qui se trouvait près du champ où la bataille s’estoit donnée ». Remarque : en héraldique, la « fleur des marais » est représentée comme un fleur de lis dont les pétales inférieurs seraient réunis en dessus par un demi-cercle.


Le passé de la fleur de lis

Chez les Égyptiens

La fleur à trois pétales, qu’on appelle maintenant fleur de lis (ou de lys), passait pour l’emblème de l’Égypte supérieure lorsqu’elle était représentée en tige ou en bouquet, alors que l’emblème de l’Égypte inférieure était représenté par le papyrus avec sa houppe, en tige ou en bouquet. L’Égypte supérieure était la terre natale des augures, le berceau de la religion, de l’initiation et de la science. Chez les Égyptiens, le lotus était le berceau de Phré (le soleil), symbolisme que l’on retrouvera dans la religion chrétienne, le lis blanc étant l’image de la Vierge Marie de laquelle est né le Christ. La ressemblance de la fleur égyptienne avec la fleur de nos rois est évidente.

Chez les Égyptiens, la fleur de lis se retrouvait déjà sur les sceptres dans la main des souverains ou des dieux, comme ornement ou bandeau royal, sur leur casque ou au front des statues de Sphinx. Sur les tête de Sphinx, la fleur alterne parfois avec l’« Uréus », le serpent de vie. Isis est parfois associée à la fleur de lis comme plus tard le sera la Vierge Marie ; l’une et l’autre représentant le principe féminin.

On retrouve la fleur de lis sur de nombreux objets égyptiens : cuillères en bois, colliers…

Chez les Assyriens

Les Assyriens ont également utilisé la fleur de lis. Dans les ruines de Ninive, parmis les objets de toute nature d’un palais des derniers rois de la dynastie de Sargon, certains portaient des fleurs de lis. La fleur de lis figurait sur le « haoma », figuration de l’arbre de vie qui plonge ses racines dans le sol et s ‘élève vers le ciel. Aussi, dans le palais de Korsabad, des exemplaires de fleurs de lis furent découverts sur des frises sculptées.

Chez les Hébreux

De leur domination par les Égyptiens, les Hébreux héritèrent de nombreuses influences, d’ailleurs Moïse a été élevé dans la culture égyptienne.

Clément d’Alexandrie, dans les Stromates, constatait : « les symboles des Égyptiens sont semblables à ceux des Hébreux ». Des Égyptiens, les Hébreux héritèrent la fleur de lis. Selon le directeur de l’Ecole biblique de Jérusalem, Roland de Vauxa, le grand Prêtre d’Israël avait une fleur de lis sur son diadème. La fleur se serait également trouvée sur les chapiteaux des colonnes Yakîm et Boaz du temple de Salomon. Dans les Antiquités judaïques de Flavius Josèphe, Salomon plaçait sur chacune des colonnes « un chapiteau fendu en forme de lis haut de cinq coudées et entouré d’un réseau pressé de palmes d’airain dont le lis était recouvert. Des grenades l’entouraient d’un collier ». Osée (13-23) compare le pays du peuple élu à la fleur, en prophétisant qu’Israël « croîtra comme le lis » lorsqu’il sera retourné à Yahve.

Les fleurs de lis devaient être les principaux ornements de la couronne de Salomon « dont le texte sacré porte qu’elles surpassoient la magnificence » écrit Vulson de la Colombière, « et qui sont si agréables à Dieu, qu’il avoit commandé à son grand législateur de les resprésenter aux plus superbes ouvrages de son temple, comme sur le grand chandelier d’or, sur les vaisseaux les plus précieux, et sur les colonnes ; temples et ornements qui mystérieusement réprésentoient l’Eglise de Dieu, aussi peut-on dire que le Royaume de France est la ferme colonne, le soutien, et la défense de l’Eglise ; lys en odeur desquels la Sapience divine déclare que l’époux de l’église se plaist […] ».

Chez les Perses

Pour les Perses comme pour les Assyriens, le « haoma » symbolisait les rapports qui unissaient l’homme à la Divinité.

En cela, le « haoma » préfigurait l’arbre de Jessé du texte d’Isaïe. Selon le prophète, un rameau devait sortir de la boucle de Jessé, « un surgeon pousse de ses racines : sur lui repose l’esprit de Yahvé, esprit de sagesse et d’intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de science et de crainte de Yahvé ». Cet arbre de Jessé annonçait la venue du Sauveur né de la Vierge Marie, et tous les peuples chrétiens qui forment l’Église.

L’arbre évoque le mystère de la verticalisation et de la croissance vers le ciel et de sa perpétuelle régénération. G. de Champeaux et Sébastien Sterck écrivent : « c’est non seulement l’expression parfaite du mystère de vie qui est la réalité sacrale du cosmos ». L’arbre est un axe vertical, image du monde en rapport avec trois zones cosmiques, souterraine, terrestre et céleste.

L’image de l’arbre de vie entouré de deux lions ne fut pas spécifique aux Perses et aux Assyriens et il se perpétua jusqu’au Moyen Âge chrétien dans l’Art roman. Le lion évoque le gardien du seuil du lieu sacré.

Le décor de la coupe perse, de la monnaie arménienne se termine par une fleur de lis qui, comme la fleur de lis égyptienne, symbolisait la fécondité spirituelle.

Par son symbolisme comme par sa forme, ce « haoma », se rapproche donc du sceptre de nos rois. Également emblème du pouvoir chez les Perses, une fleur de lis a été trouvée sur le sceptre de Gaos, navarque des Perses sous Artaxerces (Ardeshir) comme sur des casques de l’Armée royale.

En Crète et en Grèce

La Crète a subit à l’origine les influences de l’Égypte et de la Mésopotamie, principalement dans les domaines religieux et artistiques. Dans Civilisation égéenne, Glotz écrit « Les rois de Cnossos eurent pour emblème la fleur de lis, mille quatre cents ans avant notre ère », « elle se montre partout et gagne l’Egéide. C’est Minos lui-même qui apparaît sur un bas-relief couronné de lis avec un collier des mêmes fleurs. La fleur royale se montre sur les sceaux, sur les murs, sur les vases. Elle traverse la mer et se trouve à Théra, Mycène, Pylos, elle s’épanouit sur les fresques, les poteries, les armes et les ivoires ». Le roi prêtre est généralement appelé « Prince aux fleurs de lis », représenté devant un parterre de liliacées, et le collier de fleurs de lis qu’il porte au cou est quasi héraldique.

L’histoire de la Grèce est celle d’une civilisation axée sur la mer. Ainsi subit-elle de nombreuses influences, celle de la Crète mais aussi celle de l’Égypte, de la Perse, de l’Assyrie, de la Mésopotamie, etc. La Grèce connu donc la fleur de lys appelée « krinon », mais cette dernière fut moins utilisée que le trident poséidonien qui à la même valeur symbolique.

Chez les Gaulois

Les Gaulois utilisaient également la fleur de lis. De nombreuses monnaies arvernes, postérieures à la domination éduenne mais antérieures à Vercingétorix, présentent une fleur de lis.

Chez les Étrusques

Des fleurs sculptées sur des chapiteaux de colonnes étrusques sont conservées dans la crypte de la cathédrale de l’antique Fiesole en Toscane, une des douze premières villes des Étrusques. Le marquis de Magny écrivit à ce propos : « La forme gracieuse et élancée du lis étrusque et par la suite du lis rouge des Florentins, est la même que celle de la fleur de lis qui se répandit sur tous les ornements royaux sous Louis VII ».

A Rome

La fleur de lis est également signalée chez les Romains où la déesse Spees (Espérance) « tient parfois une fleur de lis », ainsi que le signale Vulson de la Colombière « tantôt une tige chargée de trois boutons de fleurs tout à fait semblables à des figures crétoises bien antérieures », comme dans le sceau de Constante de Castille. Près de Tivoli, fut découverte une statue d’empereur romain dont la cuirasse était ornée de fleurs de lis.

Il semble toutefois que c’est surtout à l’époque byzantine que la fleur de lis fut utilisée à Rome, pourtant saint Clément d’Alexandrie (+220) l’appelait déjà « Anthos anthon » (fleur des fleurs) et saint Grégoire de Naziance (+320) le « basilikon anthos » (la fleur royale).

A Byzance

Les empereurs byzantins qui tenaient de nombreuses coutumes des rois de Perse, des Égyptiens et des Hébreux adoptèrent la fleur de lis sur leurs sceptres et sur leur couronne. D’après Hervé Pinoteau, lors de son couronnement par le pape Sylvestre, « Constantin portait une pomme et un sceptre terminés par une fleur de lis ». Selon Anatole de Barthélémy, « A l’office du soir de la fête de la Nativité, les empereurs de Constantinople portaient une coiffure ornées de lis ». De son côté, Montfaucon, dans L’Antiquité expliquée, disait avoir vu des fleurs de lis sur la couronne de l’impératrice Placidia (390-450), fille de Théàodose le Grand. Montfaucon signalait également une fleur de lis sur la couronne de sa belle-fille, l’impératrice Théodora, femme de l’empereur Justinien.

Les Basileus byzantins portaient aussi la fleur de lis sur leur tunique. Montfaucon écrit « Ces fleurs étaient si communes dans les peintures de Constantinople, qu’on les mettoie souvent en usage pour l’ornement ».

Chez les Mérovingiens

Des Byzantins, la fleur de lis passa aux Mérovingiens. Nul ne peut dire toutefois si Clovis porta des fleurs de lis mais il est quasiment certain qu’il dut porter des vêtements semés de motifs brodés ou cousus à la manière des Byzantins. Selon Emile Mâle, ces tissus étaient d’ailleurs abondants en Gaule. Nommé consul honoraire en 508, Clovis en reçut les insignes avec la tunique de pourpre, la chlamyde et le titre d’Auguste.

Il n’est pas certain que la fleur de lis apparut sur les manteaux de nos premiers rois mérovingiens mais on a la quasi-certitude qu’elle décora sceptres et couronnes. Sur le tombeau de Frédégonde, troisième épouse de Childéric 1er, roi en 561, la reine était représentée sur son tombeau de Saint-Germain-des-Près avec une couronne à trois fleurs de lis visibles et un lis au naturel sur son sceptre.

Chez les Musulmans

En conséquence de guerres incessantes et de leur esprit de conquête, les Musulmans subirent de nombreuses influences. Au contact de leurs victimes, les Musulmans héritèrent la fleur de lis qui, dès lors, décora des monuments, des tapis, des objets divers.

La fleur de lis y est souvent exploitée comme générateur d’arabesques mais elle était naturellement associée au pouvoir souverain et à son image. La fleur de lis fut également représentée sur de nombreuses monnaies musulmanes.

Dans le nouvel empire d’Occident

Charlemagne porta une couronne décorée de quatre fleurs de lis. D’après Montfaucon, son père Pépin Le Bref (+768) avait été représenté avec son fils cadet Karloman, dans l’église de Fulda, en majesté, tenant dans la main droite une grosse fleur de lis sur son sceptre.

Vers 846, Charles II Le Chauve, roi de Neustrie en 836, puis seul roi en France en 840, était représenté figuré sur un manuscrit latin avec une couronne ornée de motifs en forme de fleurs de lis autour de son trône.

Lothaire, roi en 954, est représenté dans un évangéliaire avec une couronne semblable à celle de Charles Le Chauve. Cette forme de couronne a été souvent utilisée par les enlumineurs du IXème siècle qui coiffent ainsi le roi David. C’est sous Lothaire (941+986) que la fleur de lis serait apparue pour la première fois sur des monnaires.

La fleur de lis est souvent représentée dans la symbolique royale princière des carolingiens.

Dans le reste de l’Europe

A cette époque, la fleur de lis n’était pas encore l’apanage presque exclusif des rois de France. On la retrouvait également sur la couronne des empereurs germaniques, des rois d’Angleterre, d’un roi et des reines lombards.

Chez les Croisés

Héritiers de France, admirateurs du raffinement de leurs ennemis, les Croisés utilisèrent la fleur de lis comme par exemple sur le sceptre et la couronne d’un roi de Chypre et sur de nombreuses monaires.

Chez les Capétiens

L’usage de la fleur de lis était largement universel bien avant que nos rois capétiens en aient fait le signe particulier de leur dynastie, dès lors que Louis VII l’eut choisie pour meuble de ses armes.

D’après Montfaucon, Hugues Capet portait sur son sceau une couronne fleurdelisée. Son fils et successeur Robert II avait la même couronne sur son sceau, et dans sa main gauche un sceptre terminé par une fleur de lis ou de lotus.

A partir d’Henri Ier, le roi se fit représenter « en majesté » comme l’Empereur ou les dieux orientaux. Il lève la main droite en signe de bénédiction. Son diadème est parfois décoré de fleurs de lis. Elle reste très longtemps végétale et ne devient définitivement stylisée qu’à partir du second sceau de saint Louis IX, après 1250.

Certains, comme Philippe Ier et son petit-fils Louis VII, avaient une espèce de lotus à trois pétale.

Louis VI (+1137) avait une couronne où alternaient fleurs de lis et croix. Dans la main droite, il tenait un long sceptre terminé par une fleur de lis très semblable au lis héralidique, tandis que dans sa main gauche le fleuron est à trois pétale et deux feuilles. Sous le règne de ce roi, l’abbé Suger fit bâtir la basilique royale de Saint-Denis. Il lui offrit une grande croix ornée de fleurs de lis, faite en 1145. Dès le règne de Louis VI, la fleur de lis apparut régulièrement sur les monnaies royales.

C’est sous le règne de son fils Louis VII que la fleur de lis envahit peu à peu toute la symbolique royale. Dès lors, les rois de France portèrent tous des fleurs de lis sur leurs armoiries.

Saint Louis IX fixa la fleur de lis pour les armoiries de tous les princes de Sang Royal avec différentes brisures pour les cadets. Jusqu’au ceux-ci portaient les armes de leur apanage. Dès lors, seul le roi fut habilité à porter, avec son fils aîné, les armes pleines de France : « d’azur semé de fleurs de lis », réduites à trois ultérieurement. L’usage des pleines armes pour le Dauphin était justifié parce qu’il était le rex designatus. Très longtemps, il fut même sacré du vivant de son père.

Désormais, les armes « d’azur semé de fleurs de lis » s’imposèrent pour le roi de France jusqu’à Charles V.

L’image de la Sainte Trinité

Sous le règne de Charles V, le nombre de fleurs de lis meublant l’écu furent réduit à trois. La volonté royale se manifesta officiellement dans la rédaction de la Charte de Limay. Au nom du roi, le rédacteur indiquait que les fleurs de lis étaient « trois pour exprimer la Trinité, afin que, à la façon où le Père, le Verbe et l’Esprit des trois fleurs préfigurent mystérieusement un signe unique ; et à la manière où le soleil de la divinité illumine du haut de l’empyrée le monde entier, ainsi les trois fleurs d’or, placées sur un champ céleste ou d’azur resplendissent plus glorieusement sur toute la terre et éblouissent d’une clarté vive, et afin que le sens du signe s’adapte correctement aux personnes de la Trinité, la puissance des armes, la science des lettres et la clémence des princes correspondent très parfaitement au groupe des trois lis par lesquels le royaume de France a brillé aujourd’hui et conserve en cela les marques de la Trinité. Telle est l’excellence et le prestige du roi envers lequel l’indivisible Trinité manifeste une si grande volonté qu’elle a accepté de lui consacrer sa propre image et de ce fait, le royaume n’est soumis à l’autorité d’aucun prince sur terre et semble s’être placé sous sa protection propre et privilégiée ».

Un siècle plus tard paraissait un texte du même genre précisant le choix de la réunion à trois des fleurs de lis : « Les fleurs de sont au nombre de trois parce que ce nombre est complet, qu’il contient en lui le commencement, le milieu et la fin ; de même que dans la très Sainte-Trinité, au Père est attribué la puissance, au Fils la sagesse et au Saint-Esprit la clémence, attribut nécessaire du prince… Aussi dans les fleurs de lis, celle du milieu signifie la foi chrétienne, celle de droite le clergé, celle de gauche l’armée ».

La fleur de lis est donc le plus parfait symbole de la Trinité divine.

Symbole solaire, symbole de la Lumière

La fleur de lis est avant tout une fleur, et comme telle participe à son symbolisme. C’est avant tout une symbole du principe passif. Le développement de la fleur, à partir de la terre et de l’eau, symbolise celui de la manifestation à partir d’une substance passive.

Sa signification varie alors selon ses couleurs. Une fleur jaune revêt un symbolisme solaire ; une fleur bleue un symbolisme onirique et une fleur blanche la pureté ou un symbolisme lunaire. Ainsi s’explique pourquoi le Christ est représenté parfois par une fleur de lis jaune ou dorée et la Vierge par une fleur de lis blanche ou d’argent.

Dans les civilisations traditionnelles, la royauté était souvent associée au symbolisme solaire. La Royauté Très Chrétienne ne pouvait y échapper. Julius Evola écrit « On reconnut dans le roi « la gloire » et « la victoire » propres au soleil et à la lumière – symboles de la nature supérieure – qui triomphent chaque matin des ténèbres ».

Dans la religion chrétienne, tous les grands mythes solaires des païens furent repris pour le Christ, et l’association feu-soleil fut constante. Marie-Madeleine Davy fait remarquer « Au Moyen Âge le Christ est comparé au soleil. Il est à la fois le soleil du salut et le soleil invaincu ».

Le soleil est également l’image du « Verbe », la seconde personne (le fils) de la Sainte Trinité préexistant à la création du monde et s’identifiant avec Jésus-Christ. « Au commencement était le Verbe et le Verbe était en Dieu. Il était au commencement en Dieu » dit saint Jean dans le Prologue de son Évangile. « Toutes choses ont été faites par lui, et rien de ce qui a été fait, n’a été fait sans lui. En lui était la Vie, et la Vie était la lumière des hommes. La Lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont point reçue ». Assimilé à la Lumière, le Verbe ou la Parole divine, conduit à la découverte de la Vérité visible ou cachée, à la Connaissance à laquelle nous élève le Christ par son enseignement.

L’évocation du Christ par un soleil est rappelée dans le domaine de la liturgie sous la forme de l’ostensoir eucharistique qui représente l’Astre du roi, mais aussi l’orientation de l’église traditionnelle vers l’Orient, lieu de lever du soleil, symbolisme qui a été perdu par l’église post-conciliaire.

Saint Jean nous révèle que le Christ est la Lumière vraie « qui illumine tout homme qui vient en ce monde » (Évangile, chap. 1). La lumière de sa grâce féconde le coeur des créatures appelées par son père. Le Prologue de la Loi Salique disait « Vive le Christ qui aime les Francs ! ».

Le baptême de Clovis marquait une ère nouvelle et ce dernier en était conscient. Bien que descendant d’une vieille dynastie, il voulut que tout commençât de son entrée dans la religion du Christ. Pour cette raison, il voulut que son baptême ait lieu le jour de Noël qui marquait à la fois la naissance de Jésus justement célébrée le jour de la fête du Nouvel Hélios (Nouveau Soleil) des anciens.

Symbole de fécondité

Pour les anciens, le soleil et même le Ciel en général, avait un rôle fécondateur. Selon la tradition orphique, l’homme était né de la pénétration de la Terre par le Ciel, en une sorte d’union sexuelle, comme Vénus qui avait été le fruit de la semance d’Ouranos jetée dans la mer. Ainsi Vénus, déesse de l’amour et de la vie, symbolise-t-elle la fécondité. Or Angelo de Gubernatis, dans sa Mythologie des Plantes, attribuait le lis à Vénus et aux satyres. De son côté, Layard, dans ses Recherches sur le culte de Vénus, montrait une Vénus égyptienne tenant dans la main une fleur de lis.

Ailleurs, dans son Histoire naturelle, Pline l’Ancien chantait le lis dont « nulle plante n’est plus féconde ». Ce symbole de fécondité se poursuivit dans la tradition chrétienne.

Hervé Pinoteau en signale un exemple sur la chasse de saint Taurin à Evreux. Une femme, sainte Enticie, y est représentée endormie sur son lit. Un ange se tient près d’elle et lui courbe le ventre par un sceptre terminé par un liliacé. Ainsi la sainte est-elle fécondée par le ciel que représente le lis sur le sceptre. L’ange joue en quelque sorte un rôle analogue à celui de l’ange Gabriel. Il est comme lui la figure de la volonté de Dieu et son pouvoir est marqué par son sceptre.

Symbole lunaire

Selon la légende, nous savons que Clovis eut d’abord des crapauds ou des croissants comme armoiries. Comme la lumière succède aux ténèbres, le soleil succède à la lune, la fleur de lis d’or aux croissants d’argent.

Symbole marial

L’iconographie chrétienne associe souvent le croissant à la Vierge Marie. Parfois, le croissant est accompagné ou remplacé par une fleur de lis qui devient progressivement l’un des symboles préférés de la Vierge Marie.

Dès la fin du Xème siècle où se développa le culte marial, la fleur de lis décora des monnaies de villes, ou d’évêques dont l’église était sous le patronage de Marie (Strasbourg, Laon, Reims, Constance, Meaux, etc.). De même, les sceaux des corporations sous la protection de la Vierge furent également fleurdelisés. Sur le sceau de l’Université de Paris, Notre-Dame est assise sur son trône. Elle tient le Christ sur son genou gauche et dans sa main droite une sceptre fleurdelisé, qui montre sa fonction de Reine du Monde. Ils sont accostés, le Christ d’une étoile-soleil, Marie d’un croissant.

Même s’il peut arriver qu’elle fut dorée, la fleur de lis mariale devait être blanche (ou argent) comme le lis blanc des jardins, l’un et l’autre se retrouvant d’ailleurs souvent associés à la Vierge. Pour sa blancheur, la fleur de lis symbolise la pureté, l’innocence et la virginité.

Symbole de soumission à la volonté divine

Le lis symbolise également l’abandon à la volonté divine, à la Providence qui pouvoit au besoin de ses élus. « Voilà pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent ni ne recueillent en des greniers, et votre Père céleste les nourrit ! Ne valez-vous pas plus qu’eux ? Qui d’entre vous d’ailleurs peut, en s’en inquiétant, ajouter une seule coudée à la longueur de sa vie ? Et du vêtement, pourquoi vous inquiéter ? Observez les lis des champs, comme ils poussent : ils ne peinent ni ne filent. » (Saint-Mathieu, 6:25-28)

Symbole de l’abandon à la volonté de Dieu, on le retrouve dans la main de nombreux saints. Saint Michel est parfois représenté avec un sceptre fleurdelisé.

Expansion de la fleur de lis

Si la fleur de lis est bien le symbole de la dynastie capétienne, elle ne leur est pas exclusivement réservée, loin de là. Dès la fin du XIIème siècle, elle fut utilisée comme meuble héraldique dans toute l’Europe occidentale.

Elle aurait même été particulièrement utilisée durant la période 1280-1380 dans une vingtaine d’armoriaux médiévaux : Angleterre, Berry, Brabant, Bretagne, Hainaut, Hesbaye, Hollande, Main, Maine, Basse-Normandie, Nuremberg, Poitou, Romagne, Vermandois, Zélande.

Le fleurs de lis furent choisies principalement par des gens de petite et moyenne noblesse ou des groupes sociaux n’ayant aucun lien de parenté avec la famille capétienne. L’emploi de la fleur de lis est également extrêmement fréquent chez les paysans de la France du Nord et de l’Ouest. Il ne faut voir là qu’un phénomène de mode.

Les concession d’armes de la part des souverains ont été assez rares. Il s’agissait le plus souvent de fleur de lis ajoutées à un écu, beaucoup plus rarement encore d’écartelures.

Source :

Des Fleurs de Lis et des Armes de France
(Légendes, histoire et symbolisme) Jean-Bernard CAHOURS D’ASPRY Atlantica, Biarritz, 1998. ISBN : 2-84394-084-2