La dernière robe de Marie-Antoinette

La robe de Marie-Antoinette : un secret conservé à Avignon

Peu de gens le savent, même parmi les Avignonnais : la Métropole des Doms possède une chasuble taillée dans l’étoffe de la dernière tenue portée par la reine avant son exécution

La dernière tenue portée par la reine, le 16 octobre 1793, quelques heures avant son exécution en pleine révolution.

C’est un des secrets les mieux gardés d’Avignon. À deux pas du palais des papes, dans la sacristie de la métropole des Doms, dort depuis des années au fond d’un tiroir un vêtement particulièrement précieux. À proximité de la garde-robe traditionnelle des hommes d’Église, une majestueuse aube est soustraite à la vue des profanes.

Armé d’une grosse clé, l’abbé Bréhier, qui assure les offices, ouvre avec précaution l’armoire contenant la tunique pour nous la montrer, tout en lâchant, énigmatique : »L’histoire de cette aube est méconnue, ça se sait sans se savoir… »

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Cette chasuble violette conservée de manière anonyme par la Métropole a été confectionnée à partir d’une authentique robe de… Marie-Antoinette ! C’est même la dernière tenue qu’a portée l’épouse de Louis XVI, le 16 octobre 1793, quelques heures avant son exécution en pleine révolution française.

Une histoire fascinante

Pour comprendre comment ces précieux tissus sont arrivés à Avignon, il faut embarquer dans la machine à remonter le temps.

Retour en 1793. Le roi de France Louis XVI, condamné à mort par les révolutionnaires qui ne lui pardonnent pas sa tentative de départ à l’étranger (la fuite à Varennes), est exécuté le 21 janvier 1793 à Paris sur la place de la Révolution (actuelle place de la Concorde).

À l’été, Marie-Antoinette, prisonnière au Temple, est transférée à la Conciergerie. La reine déchue est surveillée en permanence. Elle est très affaiblie, et trouve du réconfort auprès d’une servante, Rosalie Lamorlière. »Avant son exécution, Marie Antoinette ôte sa robe violette, symbole de deuil et de pénitence, et la confie à sa fidèle servante. Elle se présentera devant son bourreau le 16 octobre 1793 en jupons blancs, la couleur de la royauté », explique l’abbé Bréhier, tout en contemplant l’aube. Rosalie Lamorlière aurait précieusement conservé la robe jusqu’à son départ de la Conciergerie en 1799. La servante aurait ensuite confié le vêtement à l’abbé Véran, prêtre originaire du Comtat qui résidait à Paris.

L’abbé Bréhier présente avec précaution la tunique : »L’histoire de cette aube est méconnue, ça se sait sans se savoir… »

De retour dans le Sud, le curé fait transformer la robe violette en aube pour célébrer la messe. Au début du XIXe siècle, l’évêque d’Avignon, Jean-François Périer, rachète le fameux vêtement pour reconstituer un patrimoine à la Métropole des Doms après la révolution. Depuis, cette aube n’est que très rarement exposée. Mais, lors de grandes occasions, les prêtres n’hésitent pas à la porter pour célébrer l’office. « La dernière fois que l’aube a été revêtue, c’est à l’occasion de la mort de Jean-Paul II en 2005. On essaie de la préserver », prévient l’abbé Bréhier.

Des doutes sur l’origine de la robe ?

« Il faut faire attention à l’origine des reliques de Marie-Antoinette, tempère Ludovic Miserole, auteur d’un roman sur Rosalie Lamorlière. Des souliers, des morceaux de vêtements, voire même des cheveux, beaucoup de pseudo-reliques circulent. » Malgré certaines zones d’ombre concernant quelques dates de cette histoire, l’Abbé Bréhier l’assure : le tissu est authentique. « Les laies de soie correspondent à l’époque. L’ornement a été contrôlé par un conservateur du musée des tissus de Lyon. »

Alors, pourquoi ne pas l’exposer à la vue de tous ? « Ce n’est pas sa vocation. La sacristie n’est pas un musée », conclut l’abbé.
Rosalie a soutenu la reine en prison

Elle a été le dernier soutien de la reine. Rosalie Lamorlière, servante à la Conciergerie de 1792 à 1799, a largement contribué à adoucir le séjour en geôle de Marie-Antoinette.  » Elle lui rapportait des fleurs, du linge chaud. Elle faisait même exprès de finir son service plus tard, pour que la reine bénéficie de la lumière de la cellule« , explique Ludovic Miserole, auteur de Rosalie Lamorlière, la dernière servante de Marie-Antoinette.

Rosalie Lamorlière, la dernière servante de Marie-Antoinette, un roman de Ludovic Miserole, toujours disponible aux éditions l’atelier Mosesu.

Une visite réservée aux initiés.

À l’intérieur de l’église, aucun panneau ni fléchage n’indique la présence du précieux vêtement. Seuls les connaisseurs demandent à visiter la sacristie. « On reçoit au moins une centaine de sollicitations par an pour voir le vêtement », calcule l’Abbé Bréhier. « Des groupes passionnés d’Histoire principalement. On essaie de les recevoir tout au long de l’année dans la mesure du possible ».

Source : Femina Provence