Avec L’Hermione, c’est Louis XVI que l’on célèbre !

Hermione2La frégate ne serait jamais partie si Louis XVI n’avait pas décidé de soutenir les insurgés américains. Quitte à mettre en péril les finances de son royaume.

L’histoire ne manque pas de sel : la République a financé la reconstruction d’un navire armé autrefois par le roi maudit de notre destin national, Louis XVI en personne. Et ces jours-ci, les vivats lancés pour L’Hermione, dans la baie de New York, sont aussi destinés, pour une bonne part, à ce roi français, décapité par une révolution qui aida en son temps des républicains à construire leur idéal.

Soutien actif aux insurgés

En 1778, le roi Louis XVI, réputé pour être indécis, a enfin pris une résolution capitale : il va aider les insurgés américains dans leur lutte contre la Grande-Bretagne, propriétaire de ces lointaines colonies. La France veut effacer le honteux traité de Paris, signé par Louis XV quinze ans plus tôt, qui nous a fait perdre plusieurs de nos possessions au profit de Londres, dont celles du Canada, de l’Inde et du Sénégal. Depuis plusieurs années, le nouveau roi, avec son ministre Sartine, a fait porter l’effort sur notre flotte, qui peut enfin se mesurer à celle des Anglais. L’heure est à la revanche, l’alliance avec l’Autriche – renforcée par le mariage avec Marie-Antoinette – permet d’être tranquille sur le continent. On décide de porter le fer sur le territoire américain, avec l’aide de ces « insurgents » que l’on arme en coulisse depuis leur déclaration d’indépendance, en 1776. La guerre est populaire, c’est l’époque où ces dames, dans les salons de Versailles, se mettent à porter des maquettes de bateaux dans des perruques abracadabrantes pour soutenir nos troupes !

Lafayette, vraie tête brûlée

Louis XVI arme donc une flotte importante, sous les ordres du comte de Rochambeau : sept vaisseaux de ligne, 25 navires de transport et près de 6 000 hommes bien entraînés, qui vont rejoindre les 14 000 soldats de l’armée des insurgés en lutte contre l’Anglais. Et L’Hermione ? La frégate est envoyée en avant-garde, pour informer Washington de l’arrivée des renforts français, avec à son bord le fameux Lafayette, l’un des premiers à avoir rejoint les Américains, tandis que Louis XVI était encore indécis – ce qui vaut au marquis une réputation de vraie tête brûlée. Pour les Américains, l’aide de la France tombe à point nommé : ils sont à court d’argent, leurs troupes ont essuyé plusieurs revers, les mutineries se multiplient et les Anglais sont tout près de reprendre l’avantage. L’arrivée des Français bouleversera complètement la donne.

Dans les batailles qui vont suivre, L’Hermione va se couvrir de gloire : chargée de patrouiller au large des côtes du Nord-Est, elle participe à plusieurs combats et met notamment en difficulté une frégate anglaise, qui préfère prendre le large. Elle recevra également à son bord les nouveaux membres du Congrès américain. De son côté, Rochambeau fait la jonction avec Washington et assiège l’armée anglaise retranchée dans Yorktown, qui tombe en octobre 1781. Les Anglais ne peuvent espérer aucun secours, leur flotte a été affaiblie et contrainte de se replier après l’offensive menée par l’audacieux comte de Grasse, vice-amiral français venu en renfort dans la baie de Chesapeake (État de Virginie). La victoire est totale, l’Angleterre humiliée, les colons américains ont gagné, jamais ils n’oublieront l’aide des troupes royales de Louis XVI. Les Anglais reconnaîtront bientôt les États-Unis d’Amérique.

Plus d’un milliard de dettes

Évidemment, tout cela a coûté très cher aux finances du royaume de France. On évalue la facture globale à 1,7 milliard de livres tournois, creusant dangereusement le déficit, alors que les rentrées budgétaires s’élèvent à environ 450 millions par an. Comme Louis XVI refuse de multiplier de nouveaux impôts – contrairement aux Anglais qui parviennent à redresser leurs finances –, les ministres Necker et Calonne n’auront pas d’autre choix que de recourir massivement à l’emprunt pour trouver de l’argent rapidement et en abondance. C’est le début de la fin : le roi de France ne parviendra pas à renverser la situation par des réformes de fond pendant que les Américains, peu regardants, reprendront vite leurs importations avec leurs anciens maîtres plutôt que leurs libérateurs. Au bout du compte, Louis XVI a gagné la guerre, mais perdu la paix : la gloire et les affaires ne font pas toujours bon ménage.

Par Marc Fourny

Publié le | Source Le Point.fr