Le trésor de Childéric 1er

La découverte du trésor de Childéric et son histoire

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Abeilles en or du roi Childéric Ier : La tête et le thorax sont en or les ailes sont incrustées de grenats. Au revers, une attache.

Le 27 mai 1653, un ouvrier qui travaillait à la démolition d’une maison longeant le cimetière de l’église Saint-Brice de Tournai mit au jour un caveau contenant de nombreux objets précieux : une épée d’apparat, un bracelet torse, des bijoux d’or et d’émail cloisonné avec des grenats, des pièces d’or, une tête de taureau en or et un anneau portant l’inscription CHILDIRICI REGIS (« du roi Childéric »), qui permit d’identifier la tombe. On découvrit également 300 abeilles d’or, que l’on prit d’abord pour des fleurs de lys puis pour des cigales. Selon Michel Rouche, il s’agit bien d’abeilles, car Childéric aurait emprunté lors de son séjour en Thuringe, une coutume adoptée par les Thuringiens soumis aux Huns. La cigale étant un insecte spécifiquement méditerranéen, elle n’est pas présente dans les steppes et les prairies. L’abeille symboliserait le matriarcat par l’image de la reine des abeilles « qui pond sans cesse et autour de laquelle gravitent toutes les autres. Incontestablement, la reine procrée sans mâle apparent. Elle affirme sa puissance matriarcale dans l’indistinction sexuelle. ».
L’archiduc Léopold-Guillaume, gouverneur des Pays-Bas espagnols, fit publier un rapport en latin, et le trésor fut d’abord confié aux Habsbourg de Vienne, puis offert en cadeau en 1665 à Louis XIV. Ce dernier le fit conserver à la Bibliothèque royale (aujourd’hui Bibliothèque nationale de France). Napoléon s’intéressa beaucoup au trésor de Childéric et fit des abeilles un symbole héraldique remplaçant la fleur de lys des Capétiens.
Le trésor de Childéric, avec 80 kg d’objets en or, fut volé à la Bibliothèque royale dans la nuit du 5 au 6 novembre 1831, et l’or refondu pour faire des lingots. On ne retrouva que quelques pièces (dont deux abeilles) dans la Seine, où on les avait jetées. Il subsiste aujourd’hui du trésor de belles gravures qui en ont été dressées lors de sa découverte, et quelques fac-similés que les Habsbourg avaient fait fabriquer. Cependant, certains constituants du trésor ont été retrouvés et exposés au Cabinet des Médailles de la Bibliothèque nationale. L’inventaire des objets donnés à Louis XIV par Léopold a été remis à jour en 1978, ce qui permet de connaître l’importance du vol.

Les découvertes archéologiques dans la tombe

L’inventaire de la tombe permet de distinguer trois sous-ensembles : l’armement et les accessoires vestimentaires de Childéric lui-même, des pièces de harnachement de cheval. La troisième partie est peut-être une tombe féminine adjacente, que certains attribuent à sa femme Basine.

Scramasaxe_de_Childéric_IerFragments du scramasaxe de Childéric Ier. BNF, Gallica.

Parmi les accessoires vestimentaires, des restes d’une boucle de ceinture en or, d’une paire de bouclettes de chaussure, une fibule cruciforme en or qui fermait le paludamentum de Childéric sur l’épaule, son anneau sigillaire, un autre anneau en or, un bracelet en or massif et un fermoir d’aumônière ont été retrouvés. Les armes du roi ont aussi été identifiées : une lance, une francisque, une épée longue et une scramasaxe. Des découvertes récentes de deux sépultures collectives de chevaux situées aux environs immédiats de la tombe de Childéric permettraient d’avancer l’hypothèse suivant laquelle le cheval personnel de Childéric aurait été enterré avec lui ou dans une tombe voisine. Le crâne du cheval et son harnais ont été découverts dans la tombe royale. Une trentaine des célèbres abeilles (et non 300) ont pu orner ce harnais car elles étaient adaptées à un ornement sur cuir mais il est parfois noté qu’elles ornaient le vêtement d’apparat du défunt. Enfin, la découverte d’une calotte crânienne de petite taille à côté du squelette du roi et de quelques parures féminines ont conduit à énoncer l’éventualité encore discutée de la présence d’une tombe féminine adjacente, celle peut-être de sa femme Basine. La faiblesse numérique du nombre d’objets féminins retrouvés dans la tombe justifie le doute émis sur cette hypothèse, même si le site n’a pas été à l’abri de pillages antérieurs ou d’une fouille insuffisante.

L’interprétation du trésor

L’analyse du trésor révèle des influences multiples. Childéric était Franc, et comme tout chef franc, sa tombe contenait un nombre important d’armes dont le fameux scramasaxe et la longue épée nommée spatha. La fibule qui fermait le paludamentum et son anneau sigillaire constituent des aspects de la mode romaine utilisés par les hauts dignitaires de l’administration romaine, même si sur l’anneau de Childéric figurent des détails d’inspiration franque tels que les cheveux longs. Plus de cent monnaies d’or ont été retrouvées, frappées en grande partie au nom de l’Empereur byzantin Zénon. Cette somme venant de l’autorité impériale devait financer les Francs au titre du fœdus et pour l’administration de la province de Belgique seconde44. Certains éléments de décoration de ses armes sont d’inspiration byzantine. Les influences germaniques sont présentes dans la pompe funéraire et l’association du tombeau avec des fosses à chevaux situées à proximité, et la présence de nombreux bracelets en or. Enfin l’influence danubienne se lit dans le mobilier de la tombe. Elle est notable dans le grand nombre d’objets d’orfèvrerie cloisonnés de grenats, les parures à décor polychrome des plaques-boucles et les armes à décor cloisonné. Un usage similaire en a été fait dans les cours royales danubiennes où se mêlent des traits culturels huniques, goths, alains et sarmates.
Le contenu de la tombe révèle un roi qui a réussi la fusion « entre une culture païenne et germano-romaine ». Childéric Ier avait cependant l’avantage d’être le seul des rois barbares à ne pas être de religion arienne, mais païen, ce qui lui procura l’attention des élites locales et de l’épiscopat qui pouvaient espérer l’attirer vers le catholicisme plus facilement que les autres peuples barbares.

Un scramasaxe est une arme blanche franque et pour certains types, plurigermanique (saxonne, viking, etc.). Il s’agit d’un coutelas semi-long à un tranchant long sur un côté de la lame, l’autre côté n’étant affuté qu’à son extrémité (dernier tiers de la lame environ).

Scramasaxes mérovingiennes

source : wikipedia