La désinformation

La Désinformation,
tactique de subverstion.


1. Introduction et généralités

La désinformation est l’une des techniques de combat par l’information les plus anciennes du monde puisqu’elle est à l’œuvre dès l’âge primitif à l’occasion de la chasse. Son acception historique répond aux impératifs de voir sans être vu et de conduire l’adversaire à se découvrir ou à se prendre tout seul au piège par l’utilisation de leurres. Si nous avançons un peu plus dans l’histoire de l’humanité, nous pouvons retrouver les stratagèmes de la désinformation dans des écrits de guerre chinois datés de plus de 2,000 ans avant Jésus-Christ. Je pense au général antique Sun Tzu, qui écrivit dans son traité « L’art de la guerre » : « Tout l’art de la guerre est fondé sur la duperie ».

A l’époque contemporaine, le mot « desinformatziya » apparaît pour la première fois dans la grande Encyclopédie Soviétique. Ce terme est alors censé désigner des « pratiques exclusivement capitalistes visant à l’asservissement des masses populaires ». Les Soviétiques ont donc attribué ces pratiques à des adversaires qui ne les avaient pas encore découvertes. Ce mot a ainsi, dès son origine, servi à désinformer.

En 1972, sous la forme « disinformation », le dictionnaire Chambers propose cette définition : « deliberate leakage of misleading information » (soit « fuite délibérée d’informations trompeuses »).

Enfin, en 1999, Vladimir Volkoff, dans son livre « Petite histoire de la désinformation », tente de donner une définition du mot : « technique permettant de fournir à des tiers des informations généralement erronées les conduisant à commettre des actes collectifs ou à diffuser des jugements souhaités par les désinformateurs ». Il s’agit donc « d’une manipulation de l’opinion publique, à des fins politiques le plus souvent, avec une information traitée par des moyens détournés ». La désinformation va donc être organisée par une agence, un groupe de pensée ou un parti politique en vue de buts biens précis.

Ainsi, en prenant des exemples concrets empruntés à l’histoire ou à l’actualité, nous pourrons comprendre sous le prisme de la désinformation comment des personnes influencent le monde pour arriver à la leurs fins. Nous verrons, en premier lieu, l’importance de l’Information, véritable arme maîtresse de la désinformation. Ensuite, il conviendra de situer la désinformation par rapport aux autres techniques subversives et de décrire ses ingrédients, ses acteurs et ses moyens. Nous terminerons par la plus réussie des opérations de désinformation, l’opération « Bosnie ».

2. L’information, arme maîtresse de la désinformation

Avec ces définitions préliminaires, nous pouvons déjà apprécier l’importance de l’information dans les manœuvres de désinformation. Tout d’abord, que devons-nous entendre par « information ». Pour cela, hiérarchisons notre esprit :
– en premier lieu, il faut savoir qu’un fait n’est pas une information,
– le fait devient une information lorsqu’un vecteur, une personne par exemple, le fait savoir à une autre personne,
– information et renseignement ne sont pas synonymes.

Le renseignement est un aboutissement ayant eu pour objectif :
– la recherche de la source de l’information,
– la mesure de la véracité de l’information,
– et le calcul des probabilités de survenue du fait par le recoupement des informations accumulées.

Ainsi, les erreurs d’interprétation inhérentes à la perception personnelles des individus, à humeur variable, rendent la prétention à l’objectivité naturellement suspecte. En outre, chaque acteur d’un fait en à sa propre perception et quand les impressions concordent trop bien, c’est suspect ; conférez les 4 Évangiles dont l’Église a parfaitement raison de nous présenter des versions partiellement divergentes de ce qu’Elle estime être la Vérité. Ainsi, un des premiers symptômes d’une campagne de désinformation passant par voie de presse (donc par l’information) est la trop bonne concordance, le trop bon consensus, parfois au détail près, de faits relatés dans des journaux de bords opposés.

En plus de ces constations primaires, il faut souligner que le terme « objectivité » peut revêtir différents habits et notamment dans le monde de l’information. Jacques Legris, journaliste au Monde et auteur d’un intéressant livre sur les campagnes de désinformation auxquelles Le Monde a servi de caisse de résonance (« Le Monde » tel qu’il est), distingue deux types d’objectivité, ne recherchant pas les mêmes fins. Il existe l’objectivité dite « d’intention » qui « se propose d’abord de connaître les événements, les faits, les hommes, les idées et ne porte qu’ensuite un jugement sur eux » et l’objectivité dite « d’apparence » qui implique « un jugement préétabli, mais se gardant bien de le faire savoir ». Nous nous retrouvons là au cœur du problème. Informe-t-on pour informer ou bien pour convertir ?

Les objectifs et les effets attendus ne seront donc pas les mêmes :
– M. Legris, dans son ouvrage, ne se fait pas d’illusion sur « l’intention d’objectivité en matière de presse qui rencontre de nombreux obstacles ». Elle consiste « à pratiquer le tri et les amputations inévitables sans trop fausser ni la perspective ni les proportions, à chercher à combler les lacunes et à éclairer les zones d’ombre avec prudence et rigueur ».
– En revanche, « l’objectivité d’apparence a pour effet d’influencer clandestinement la conscience des lecteurs. II s’agit de programmer, de façon détournée, la sélection que le lecteur va être conduit à opérer au sein du lot d’information qui lui est quotidiennement livré puisqu’il ne saurait ni tout lire ni tout retenir ».

D’où, également, le rôle de la surinformation de nos sociétés ; phénomène amplificateur du mécanisme d’objectivité d’apparence.

C’est donc, finalement, assez naturellement et facilement que l’on glisse vers la désinformation ; sans être forcément de mauvaise fois. En effet, l’information étant souvent par essence une denrée plus ou moins frelaté, les tentations ne manquent pas pour la frelater encore plus selon que :
– l’on veuille obtenir, de l’opinion, telle ou telle attitude en vue de mener telle ou telle action,
– l’on veuille convaincre le public de la supériorité de telle cause, parti ou candidat.

Le fait va donc être manipulé pour être utilisé, surexploité, caché, transformé ou déformé selon les buts recherchés par le désinformateur à des fins offensives ou défensives. C’est ainsi que l’information devient l’arme maîtresse des opérations de désinformation et, que la désinformation devient une tactique de subversion.

3. Ce que la désinformation n’est pas

Avant de rentrer plus avant dans le vif du sujet et afin de ne pas commettre d’amalgame entre les différentes méthodes de subversion, précisons tout de suite ce que la désinformation n’est pas. Il existe 3 faux amis du vocabulaire que nous déclinerons successivement :

1. La propagande

Ce mot prend son origine, en 1689, dans la formule latine « congregatio de propaganda fide ». En 1792, elle est définie comme l’« action exercée sur l’opinion pour l’amener à avoir certaines idées politiques et sociales, à vouloir et soutenir une politique, un gouvernement, un représentant ». Ainsi, la propagande est un outil de ralliement à visage découvert utilisable à souhait pour amener des personnes à des idées, à les faire y adhérer ; peu importe ce qu’elles sont et leur véracité. Ceci dit, elle ne fait que semblant de chercher à convaincre notre intelligence car, en réalité, elle atteint son maximum d’efficacité quand elle s’adresse à nos facultés les plus irrationnelles. « Visez les tripes » disait Hitler. Les étendards, les torches, les défilés, les saluts distinctifs et les interpellations rythmées « Sieg ! Heil ! Sieg ! Heil ! » du nazisme avaient pour but de priver l’individu de son esprit critique et de l’amener non pas de la doctrine au comportement mais du comportement à la doctrine.

Ainsi, dans la propagande, le dessein est patent, avoué et proclamé. La couleur est annoncée. Chacun est libre d’y adhérer ou non ou bien de la combattre en utilisant sa propre propagande.

Or, la désinformation est une arme discrète et cachée qui suppose un travail psychologique et manipulateur servant à l’orientation des masses malgré elles.

2. La publicité

Un peu à l’image de la propagande, la publicité transmet à un public aussi vaste que possible un message dont la vérité ou la fausseté ne constitue pas l’intérêt essentiel et dont le but n’est pas d’informer mais d’influencer. Faire de la publicité, c’est, selon le Grand Robert, « le fait d’exercer une action psychologique sur le public à des fins commerciales ». La publicité s’adresse à l’inconscient, aux réflexes conditionnés, elle exploite l’irrationnel. Par exemple, une affiche représentant côte à côte une voiture et une jolie femme légèrement vêtue et le plus souvent « siliconée » n’a pas la moindre valeur argumentaire sur les qualités de la voiture. D’autant plus que la jolie femme n’est généralement pas à vendre avec la voiture. Elle n’est là que pour titiller la concupiscence de l’acheteur masculin ou l’exhibitionnisme de l’acheteuse féminine. La publicité ne cherche donc qu’à séduire en allant droit au but et de manière ouverte. Elle utilise des slogans « Achetez des ouvrages contre-révolutionnaires » ou « Votez pour tel candidat » avec toutes les finesses qu’on voudra y mettre mais ceux-ci n’ont pas d’autre signification que « Achetez des ouvrages contre-révolutionnaires » ou « Votez pour tel candidat ».

Ainsi, la publicité, même fallacieuse n’est pas de la désinformation.

3. L’intoxication

L’intoxication vise des fins plus militaires que politiques, cherche d’avantages à atteindre la tête (l’état-major) que la masse (l’opinion publique). Le colonel André Brouillard en donne sa conception dans son ouvrage « L’intoxication », publié en 1971 : « ce n’est pas la peine d’avoir détourné le mot intoxication de son sens propre [d’empoisonnement] pour en faire le synonyme de ruse de guerre, de finasserie diplomatique, de stratagème, de subterfuge, de mystification, de diversion, de traîtrise, de mensonge et autres trucs. Nous l’appliquerons à l’utilisation de ces procédés déshonnêtes, mais nous le réserverons aux plans supérieurs :
– de la tactique générale, c’est à dire l’emploi combiné des armes par les militaires sur le terrain, au combat,
– de la stratégie, conduite générale de la guerre,
– de la politique étrangère principalement 
».

L’intoxication vise donc directement l’adversaire en cherchant à lui fournir des informations erronées qui lui feront prendre des décisions mauvaises pour lui et, en miroir, bonne pour nous. Il va sans dire que l’intoxication n’est pas exclusivement réservée au domaine militaire : tel parti politique, telle banque, tel fabricant peut avoir avantage à intoxiquer ses concurrents, mais l’objectif sera toujours de faire commettre des erreurs à une ou à des personnes et non pas à une collectivité.

En conclusion, la désinformation suppose donc trois éléments :
– une manipulation de l’opinion publique, sinon ce serait de l’intoxication,
– des moyens détournés, sinon ce serait de la propagande,
– des fins politiques, intérieures ou extérieures, sinon ce serait de la
publicité.

Ainsi se dessine la définition proposée par Volkoff : « la désinformation est une manipulation de l’opinion publique, à des fins politiques, avec une information traitée par des moyens détournés ».

4. Un exemple historique : le cheval de Troyes

Avant de vous expliquer les mécanismes extrinsèques et intrinsèques de la désinformation et à la lumière de la précédente définition, nous utiliserons l’exemple, bien connu de tous, du cheval de Troie.

Après 10 ans de siège, les Grecs n’ont toujours pas réussi à prendre Troie de vive force. Ils décident alors de recourir à ce qui n’est, de prime abord, qu’une ruse de guerre : ils feignent de rembarquer et se dissimulent dans une crique à proximité de la ville. En partant, ils abandonnent un gigantesque cheval de bois « haut comme une montagne, aux côtes formées de sapins entrelacés » (Virgile). Sans la moindre explication.

Cette absence d’explication est importante, car les Troyens qui, ravis de voir le siège levé, viennent visiter le camp des Grecs, se perdent en conjectures et se divisent naturellement en 2 partis : les partisans et les adversaires du prodige, c’est-à-dire du support de désinformation. Thymétès recommande de l’introduire dans la ville et jusque dans la citadelle ; Laocoon, au contraire, se « méfie des Grecs, même porteurs de cadeaux ». De toutes ses forces, il lance « une énorme javeline sur le flanc de l’animal et sur son ventre aux ais bombés. Elle s’y fixe en vibrant : sous ce coup, le ventre résonne et ses cavités profondes rendent un gémissement ». Enée, qui raconte l’histoire, remarque : « sans notre aveuglement, Laocoon nous eût poussés à porter le fer dans ce repaire de Grecs ».

L’observation est également importante. En réalité, il y a toujours moyen de se défendre contre la désinformation. Mais, le plus souvent, on préfère succomber à l’aveuglement, ce qui constitue, en termes techniques, l’acquiescement de la cible. Retenons cette notion.

Donc, les Troyens hésitent.

Arrive Sinon, l’agent d’influence. Celui-ci explique l’origine du cheval. Les Grecs, qui s’étaient rendus coupables devant leur protectrice la déesse Pallas, ont construit ce cheval pour faire à la déesse une offrande expiatoire. Calchas, le devin, a exigé que sa charpente « s’élevât jusqu’au ciel pour qu’elle ne pût entrer dans les portes ni être introduite dans les murs de Troie », sans quoi – et c’est là où nous sortons de la ruse de guerre pour arriver en pleine désinformation – l’offrande pourrait « replacer le peuple de Troie sous la protection de son ancien culte ». Vous comprenez bien : les Grecs ne veulent à aucun prix que leur cheval entre dans
Troie ! Et Sinon d’insister : « Si vos mains profanaient cette offrande à Pallas, ce serait une immense ruine pour l’empire de Priam […] Mais si, de vos propres mains, vous la faisiez monter dans votre ville… » – tous les espoirs, veut?il dire, vous seraient permis. Le montage est astucieux.

A cet instant, soit que les dieux conspirent la perte de Troie, soit que le hasard soit en faveur des Grecs – et c’est aussi une notion importante, car, comme avec les gaz de combat, aucune action de désinformation n’est possible sans un vent historique qui souffle dans la bonne direction –, des serpents viennent étouffer Laocoon est ses enfants, ce qui est aussitôt interprété comme un châtiment pour le sacrilège qu’il a commis en lançant sa javeline contre le cheval consacré à Pallas. Disons que c’est là une manifestation de la fatalité, qui ajoute un bonus dans l’escarcelle des désinformateurs compétents.

L’opinion publique, qui vacillait, bascule tout entière dans le camp des optimistes et réclame que le cheval soit introduit non seulement dans la ville et dans la citadelle, mais dans le temple même de Pallas, car ? et c’est là le nœud de toute l’opération de désinformation ? les Troyens aussi adorent Pallas et lui ont édifié un temple. Sur quoi, ils font eux-mêmes une brèche dans leurs remparts ! « Tous s’attellent à l’ouvrage. On met sous les pieds du colosse des roues glissantes. On tend des cordes de chanvre. La fatale machine franchit nos murs, enceintes d’hommes et d’armes ». « Aux alentours, jeunes garçons et jeunes filles de chanter des Hymnes sacrés, joyeux de toucher au câble »… qui va précipiter leur perte.

La suite est prévisible. Dès que la population est « ensevelie dans le vin et le sommeil », les Grecs, sortent du ventre du cheval, égorgent les sentinelles et ouvrent les portes de la ville à toute l’armée revenue secrètement. Le sac commence.

Cette histoire est proprement exemplaire. On y retrouve presque tous les éléments des techniques de désinformation :
– le cheval de bois est un support de désinformation,
– le thème, c’est la protection de Pallas mise à la disposition des Troyens,
– le relais est fourni par l’agent d’influence Sinon, qui vient accréditer le thème,
– les jeunes chanteurs des 2 sexes servent de caisses de résonance indispensables à l’opération.

Résultat

L’acquiescement de la population est acquis et se transforme en une véritable psychose – Enée parle lui-même de « folie » et d’« aveuglement ». A partir de ce moment, l’auto-désinformation entre en jeu par un phénomène qu’on ne peut pas ne pas rapprocher du vampirisme. De même que quiconque a été saigné par un vampire devient vampire lui-même, le désinformé est amené à devenir désinformateur, quelquefois par candeur, mais souvent avec un enthousiasme morbide, débouchant, comme dans la propagande et la publicité dans l’irrationnel. Cet exemple illustre bien la manipulation de l’opinion publique. On peut sentir l’important rôle d’un agent d’influence dont l’action consiste à convertir une partie de l’opinion dont les jeunes naïfs, « idiots utiles » si chers à Lénine pour répandre les idéaux communistes. Facilement influençables, souvent par ignorance, ils vont ensuite influencer les autres couches de la société dont les Élites, fréquemment par l’effet de masse dû au phénomène de vampirisme.
La signification profonde du cheval de Troie n’a pas échappé à tous ceux qui ont réfléchi à la manipulation de l’opinion publique. Saint-Marc Girardin écrit : « Ainsi s’avançait la Révolution, c’était le cheval de Troie entrant dans la ville aux acclamations du peuple ».

5. Les ingrédients et acteurs de la désinformation

A la lumière de l’exemple précédent, qui nous aura permis de structurer un peu notre esprit, nos verrons dans ce chapitre comment est conçue la désinformation c’est-à-dire quels en sont ses ingrédients puis comment elle procède, c’est-à-dire quels sont ses mécanismes.

Comment est-elle conçue ?

Plusieurs ingrédients sont nécessaires pour mener une campagne de désinformation. Ainsi, il suffit grosso modo de 8 éléments :

1. un client,

Globalement, le client (qui peut être un État, une entreprise, un parti politique) est la personne qui bénéficie de l’opération et qui en règle les frais.

Un des plus grands clients de la désinformation ces dernières années aura été le parti communiste à vocation internationale, sous la forme du Politburo du PCUS.

(NDLR : les explications utilisées ici vont se référer, en partie, à l’utilisation des méthodes de désinformation par le régime soviétique lors de la guerre froide. Je les illustrerai au fur et à mesure de mon exposé).

2. un agent,

En publicité par exemple, une firme industrielle va s’adresser à une agence spécialisée en marketing. Pour une opération de désinformation, il en est de même. Cette « agence de désinformation » emploie des agents, généralement appelés agents d’influence. La meilleure agence de désinformation jamais créée aura été le département A du KGB (branche du KGB responsable des opérations internationales de désinformation).

3. une étude de marché,

Avant le lancement d’une opération de désinformation, l’étude du « produit » est fondamentale. Il s’agit de savoir quel produit pourra être accepté et comment le faire accepter. Le public est, de plus, toujours ciblé : on ne désinforme pas l’intelligentsia d’un pays occidental comme l’homme de la rue de Porto Allegre. Cette étude de marché va conduire nécessairement au choix de tel ou tel support.

4. un ou plusieurs support(s),

A l’inverse de la publicité dont le but principal est de séduire, frapper l’esprit ou encore étonner par le caractère anecdotique de la campagne, il faut, lors d’une opération de désinformation, amener le public non seulement à gober mais aussi à croire. Les supports seront dès lors de petits faits vrais ou censés être vrais. Ainsi, lorsque le département A écrivait, sur papier à en-tête américain, une lettre censée être écrite par un Américain et visant en réalité à faire du tort aux USA, cette lettre, en soi, n’était pas encore de la désinformation : ce n’était qu’un faux. C’est l’utilisation qui en était faite dans un certain contexte qui la transformait en support d’une opération de désinformation.

Je pense ici à l’exemple de l’opération « Tanzanie » en 1964. A cette époque, M. Kambona, ministre des Affaires étrangères de Tanzanie et secrétaire général de l’union africaine tanzanienne, révéla un plan occidental destiné à renverser son gouvernement. Le journal local Nationalist publia une série de preuve de la conspiration sous forme de quatre documents :
– une 1ère lettre censée émaner de l’ambassade américaine à Léopoldville, encourageant le Portugal à bombarder les sites stratégiques chinois en Tanzanie,
– une 2nde lettre d’un officier congolais adressée à l’ambassade américaine et apportant des preuves des préparatifs américains destinés à renverser le gouvernement tanzanien,
– une 3ème lettre, censée émaner de l’ambassade américaine, présentant Dar es?Salaam comme un lieu de stockage pour fournitures militaires destinées à des fins subversives.
– une 4ème lettre, attribuée à l’ambassadeur des USA à Léopoldville, fut envoyée à Moïse Tchombé, président du Katanga. Celle-ci garantissait le désir des américains de « prendre des mesures contre les pays voisins qui se trouvent sous influence communiste ».

Les documents incriminés furent démentis par les Américains, ce n’empêcha pas M. Kambona de crier au complot. Inutile de dire que le tollé fut général dans toutes les jeunes républiques naissantes d’Afrique. Des années plus tard, on apprit que l’opération fut montée par le département D du STB tchécoslovaque. Le désinformateur impliqué dans cette opération, Ladislav Bittman, écrira : « Le fait que ces faux aient été acceptés, en dépits d’erreurs linguistiques, logiques et administratives, montre bien la détermination des jeunes gouvernements africains de gauche de ne considérer que ce qui allait dans le sens de leur croyance politique. Quant au bloc soviétique, non seulement il sortit indemne de l’aventure, mais en plus il glana les lauriers du vainqueur et passa pour le partenaire idéologique et l’ami privilégié de la jeune Afrique ».

5. un ou plusieurs relais,

A la différence des campagnes de publicité ou de propagande qui ne nécessitent, le plus souvent, que d’un seul relais (une affiche 4 par 3, un spot publicitaire, etc.), un réseau de relais est nécessaire dans une opération de désinformation. Cela va servir deux causes : la première est issue du fameux adage « quand une personne dit quelque chose c’est une rumeur, quand plusieurs personnes disent la même chose, c’est une vérité », la deuxième est en revanche plus vicieuse. Pour l’exprimer, prenons un petit exemple des années 1983-85 : l’opération consistait à faire croire, surtout par les pays du Tiers Monde, que le virus du SIDA est le produit d’un laboratoire de guerre biologique américain. L’objectif de cette mission, menée par le KGB, était, naturellement, d’encourager les sentiments anti-américains et, probablement, de détourner l’attention mondiale de l’attentat manqué contre le Pape, où beaucoup sentait la patte du KGB. Avant qu’elle ne paraisse dans les principaux journaux soviétiques (comme la Pravda), cette opération fut lancée discrètement en Inde. II ne suffisait, alors, qu’à attendre son explosion tout en étant couvert. Un réseau de relais permet donc de se protéger et d’éviter des représailles dans le cas où l’opération soit démasquée.

6. un thème,

Le thème doit bien évident être aussi simple et ciblé que possible afin que le grand public puisse y accéder.

Plusieurs stratégies sont offertes à la désinformation pour traiter son thème :
– ne pas diffuser une information,
– diffuser une information incomplète, tendancieuse ou fausse,
– en saturant l’attention du public par une surinformation qui lui fait perdre tout sens de ce qui est important et de ce qui ne l’est pas,
– en imposant des commentaires orientés (c’est le rôle des éditorialistes).

7. une ou plusieurs caisse(s) de résonance,

Le thème, équipé de ses supports, va être confié à un agent d’influence dont le rôle est de le faire passer dans le public. Pour ce faire, il lui suffira, par exemple, d’avoir un bon ami dans le bon journal. Si le message a bien été reçu, c’est au tour du public de servir de caisse de résonance en répandant la « bonne parole ». Et ainsi de suite par mécanismes de vampirisme et d’auto désinformation.

8. une cible.

Par définition, la cible est ici l’opinion publique de la population visée. Selon Volkoff, seuls 7% d’une population donnée sont complètement réfractaires à la publicité orale ou écrite.

En outre, la cible fait toujours l’objet d’une étude de marché car la tolérance de la désinformation est finalement limitée. En effet, elle est directement proportionnelle à l’ignorance de la population sur un point donné. De plus, elle en joue ; c’est pourquoi, une action de désinformation consiste souvent à donner d’abord à la cible des préjugés sur un thème inconnu d’elle. Ces préjugés seront de fait favorable à lancer la future campagne de désinformation.

Il s’agira, par exemple, d’accroître ou même de créer une hostilité envers une autre population. Ainsi, on créera un parallélisme entre Sadam Hussein et Hitler afin de mieux préparer l’opinion mondiale à bombarder à mort l’Irak. Pour ce faire, divers procédés existent ; j’en décrirai 3, les principaux :

– la diabolisation,
Elle consiste simplement à dire le plus de mal possible de l’ennemi, souvent de manière parfaitement gratuite, mais en s’appuyant sur des supports de désinformations (faux renseignements, fausses déclarations, fausses photos).

– le manichéisme,
La désinformation va viser à créer 2 camps : les bons et les mauvais. Les Talibans ont détruit les 2 tours du World Trade Centre donc ils sont méchants. Les USA qui luttent pour la paix et la justice (donc les bons) dans le monde va bombarder l’Afghanistan. Si un pays s’y oppose, c’est qu’il cherche à protéger les Talibans donc lui aussi il est dans le camp des méchants et donc, il est légitime qu’il se fasse bombarder à mort par les Américains.

– la psychose.
Une opération de désinformation réussie va créer dans le publique une sorte d’état irrationnel qui le pousse à ne plus voir que ce qui va dans le sens de la désinformation, à en rajouter, à se déformer lui-même par le phénomène de vampirisme décrit précédemment, le désinformé devenant le désinformateur.

Comment ça se pratique ?

Afin d’appréhender la mise en pratique d’une manœuvre de désinformation, nous partirons d’un fait précis : « Les USA ont bombardé de nombreux civils irakiens innocents pendant ces dernières décennies et imposé un ignoble embargo. Notre mission, si nous réussissons déontologiquement à l’accepter, sera d’innocenter le gouvernement américain de ces forfaits ». Plusieurs méthodes (que nous verrons dans une liste non exhaustive), se donnent à nous :

– la négation des faits

Si le public n’a pas les moyens de vérifier l’information, il est alors facile de la nier. Mais cette méthode, qui a le mérite d’être simple, n’est que peu crédible puisque si négation il y a, c’est parce que l’opinion publique est au courant.

– l’inversion sur les faits

Voilà encore une position extrême, qui par sa nature même n’est donc que peu utilisée.

– le mélange vrai-faux

« Mais c’est normal que les Américains bombardent les Irakiens dont des civils car ce sont eux, femmes et enfants compris, qui ont, en premier, agressé les intérêts américains en utilisant des procédés terroristes, en faisant de l’anti-américanisme primaire, etc. ». Or, dans notre société victimophile et moraliste, nous en arrivons toujours à la question : « Qui a agressé qui ? ». L’agressé ayant de fait tous les droits.

Un autre exemple du mélange vrai-faux est aussi l’inexactitude des chiffres de victimes annoncées. Surtout lorsque celles-ci sont issues des purges staliniennes ou des goulags.

– le motif d’attaque peut être modifié

Pour illustrer cela, je ne citerai qu’une citation de Carrier (le massacreur des Vendéens) : « c’est par principe d’humanité que je purge la terre de la liberté de ces monstres ». L’actualité des USA le démontre au jour le jour.

– la modification des circonstances

Pourquoi la presse mondiale a-t-elle essayé de faire croire que Sadam Hussein avait la « 4ème armée du monde » ?

– l’estompement

Le type même en est le procédé de surinformation. Ce procédé consiste à noyer le poisson dans une masse de faits sans rapport avec lui. Si possible, ces faits doivent soulever fortement l’intérêt du public. La guerre de Tchétchénie, qui fait toujours rage à l’heure actuelle, est estompée parle conflit israélo-palestinien.

Dans un esprit différent, cette technique a été utilisée par les médias, toujours pendant la guerre de Tchétchénie, pour monter en épingle les cruautés russes tandis que les actes terroristes tchétchènes furent camouflés, estompés. Idem dans le conflit israélo-palestinien.

– l’interprétation

Les faits, sans être niés, modifiés, estompés ou encore camouflés peuvent être présentés et commentés de manière favorable ou défavorable. II s’agit de susciter des émotions positives ou négatives, au choix. On pourra donc dire : « certes les USA ont bombardé l’Irak. Cependant, c’était la seule situation pour éradiquer le terrorisme. Ceci-ci dit les USA sont bien connus pour leur pacifisme et leur capacité de créer des guerres humanitaires. Donc, les Américains doivent sûrement regretter les victimes collatérales. En outre, comme les USA ont la responsabilité de gouverner la planète, il est parfois pénible de prendre certaines décisions. Alors, mettez-vous un peu à leur place… »

Remarquons que l’interprétation des évènements sous forme de commentaire est le rôle des éditorialistes. Or, ceux-ci s’en donnent généralement à cœur joie de le faire. Un éditorialiste peut donc devenir désinformateur, même si le plus souvent, c’est d’abord lui qui est désinformé en premier. En s’appliquant à démontrer que ce sont ses idées sont bonnes, il en arrivera naturellement à l’auto-désinformation. Et ce, même en l’absence de mauvaise volonté de sa part.

– la généralisation

C’est très simple : il suffit de faire passer auprès de l’opinion publique que les atrocités d’une guerre sont regrettables mais que de toute façon il en a toujours été ainsi. Et puis après tout, les Grecs, déjà à leur époque,…

– l’illustration

On peut illustrer l’information pour en diminuer l’impact auprès du public : « il est vrai qu’il n’y a que quelques milliers de mort, mais, si on avait utilisé la bombe atomique ou le napalm il y en aurait eu plus. Donc, soyez rassurés. »

– la tactique des parts inégales

On n’accordera que quelques lignes dans la presse populaire au massacre des populations civiles et chanterons les louanges des USA sur toute une page.

Notez que cette tactique est largement appliquée, via les médias grand public, en politique française, notamment à l’encontre de certains partis pourtant bien pensant

6. Un exemple type : l’opération « Bosnie »

Bien qu’il soit déjà tard, cet exemple type vaut bien que l’on s’y attarde quelques instants car à peu près tous les éléments cités ci-dessus y préfigurent. Pour vous présenter cette opération exemplaire, je vais m’appuyer sur l’analyse qu’en fait Jacques Merlino dans son livre « Les vérités yougoslaves ne sont pas toutes bonnes à dire ».

– Les clients

Plusieurs clients se sont succédés par affaiblir la Serbie face à l’opinion mondiale par les procédés de désinformation : d’août 91 à juin 92, c’est la République de Croatie ; de mai 92 à décembre 92, la fraction musulmane de la République de Bosnie-Herzégovine ; et de puis octobre 92, c’est la République du Kosovo.

Or, il se trouve, comme par hasard bien évidemment, que la communauté médiatique a volé au secours des Croates, des Musulmans et des Kosovars, toujours contre le même ennemi : le Serbe.

Les enjeux stratégiques sont nombreux et majeurs dans les Balkans. Par exemple, ils contrôlent les routes du pétrole et du gaz de l’Arabie, de l’Irak et du Koweït mais a celles de la mer Caspienne et du Kazakhstan) qui avec la chute du bloc soviétique sont amenées à se développer. Or, nous savons tous les trésors d’imagination qu’ont les Américains lorsqu’il y a de l’or noir en jeu.

Ne serait-ce que par l’exemple précédent, on comprend que ces enjeux dépassent quelque peu ces jeunes Républiques. De plus, après des années de guerre, tout est à reconstruire ; l’argent sert donc aux premières nécessités. Ainsi, derrière cette façade, des clients plus sérieux se profilent. Qui sont-ils ? Le masque n’est toujours pas tombé.

– L’agent

C’est l’agence américaine Ruder Finn Global Public Affairs qui a menée l’opération. M. Merlino est allé à Washington interviewer son directeur James Harff. « La société, dit-il, procède au moyen d’un fichier, d’un ordinateur et d’un fax ». Le fichier ne comprend que quelques centaines de noms : journalistes, hommes politiques, représentants d’ONG en tout genre, universitaires. En fonction du thème, l’ordinateur trie les fichiers de façon à trouver les cibles les plus efficaces. « Notre métier, dit Harff, est de disséminer l’information. La vitesse est un élément essentiel. Dès qu’une information est bonne pour nous, nous nous devons de l’ancrer tout de suite dans l’opinion publique. Car nous savons parfaitement que c’est la première affirmation qui compte. Les démentis n’ont aucune efficacité ».

– L’étude de marché

Elle a consisté à étudier l’opinion mondiale au sujet de la Serbie. Au départ, l’opération s’annonçait mal car plusieurs éléments plaidaient en faveur de la Serbie et en défaveur des clients. En premier lieu, les Serbes étaient nos alliés lors de 2 GM. De plus, les nazis avaient fondé un État croate dont les Croates d’aujourd’hui se revendiquaient. Les Musulmans s’étaient alliés aux Allemands pendant la 2ème GM et avaient fourni une Division SS : la Handschar Division, notablement connue pour ses exactions. Ainsi, les Oustachis croates et musulmans au service des nazis avaient perpétré un génocide contre les populations serbe, juive et tzigane de Yougoslavie. M. Tudjman, président de la Croatie avait publié en 89 un livre antisémite Déroute de la vérité historique dans lequel il ne cachait pas son admiration pour Pavelitch, le dictateur nazi de la Croatie. M. Izetbegovitch, chef des Musulmans de Bosnie, avait publié, dès 70, une Déclaration islamique où il souhait un État islamiste du Maroc à l’Indonésie. II y remerciait également Allah de n’avoir pour femme ni une Juive ni une Serbe.

Si l’opération a pris c’est grâce à l’ignorance de l’opinion mondiale et notamment celle des élites sur la situation en Yougoslavie. M. Merlino rapporte un édifiant dialogue entre Warren Christopher, secrétaire d’État US et David Owen, médiateur britannique :

« WC : C’est votre faute à vous, Européens, vous avez laisser les Serbes envahir la Bosnie.
DO : Mais ils y vivaient!
WC : Depuis longtemps ?
DO : Depuis toujours.
 »

– Le premier support

Le premier support dont se saisit l’agence fut la publication parle New York Newsday d’articles sur des camps de prisonniers où étaient enfermés des Musulmans. Or, le mot camp entretient un état de psychose dans l’opinion publique depuis la 2ème GM.

Du moins tant qu’il ne s’agit pas des camps de vacances et de rééducation communistes.

– Les relais

L’idée de l’agence fut donc d’utiliser à bon escient le mot camp, de se mettre le relais juif dans la poche et de surfer sur la vague de l’holocauste. Harff l’avoue : « cela a formidablement marché ; l’entrée en jeu des organisations juives du côté des Musulmans Bosniaques fut un extraordinaire coup de poker ». Or, les Juifs ont toujours vécu en bon terme avec la population autochtone de Serbie. Ils ont subi les mêmes discriminations sous l’oppression croato-nazie : les juifs, l’étoile jaune ; les orthodoxes, le brassard. Quand, dans l’opinion publique, l’équation « Serbe = nazi » fut réalisée, l’affaire devenait simple avec d’un côté les méchants, de l’autre les bons. La cible juive fut donc la bonne. Aussitôt, la presse utilisa à tout bout de champ les termes à très forte valeur émotive comme purification ethnique, camps de concentrations, etc. « La charge émotive était si forte que plus personne ne pouvait aller contre, sous peine d’être accusé de révisionnisme », déclare Harff. La recherche de l’amalgame est un des réflexes spontanés du désinformateur.

– Le thème

Nous l’avons compris, il s’agit de faire coïncider les termes Serbe et nazi. Or, nous avons vu dès le début qu’il y a inadéquation. L’incongruité de ce thème n’a compté pour rien. En revanche, l’ignorance publique a compté pour beaucoup.

– Le traitement du thème « Serbe = nazi »

Il est passé par l’utilisation de 6 supports principaux :

a) Les destructions

Le Paris Match du 28 novembre 91 titrait « Dubrovnik le martyre – le joyau médiéval de la Croatie écrasé par le feu de l’armée yougoslave ». Or, cette ville est intacte, elle n’a jamais été bombardée.

De même, Actuel, en décembre 93 montrait la photo d’un pont avec le texte suivant : « Point stratégique à éliminer pour les Serbes, le pont de Vukovar était une splendeur du patrimoine architectural et historique de la ville Croate ». Or, d’après les cartes, il n’y a pas de pont à Vukovar. Le pont photographié est celui de Mostar détruit par les Croates eux-mêmes.

Cela montre bien que la désinformation n’a pas besoin de destructions réelles pour faire passer l’idée de destruction dans le public.

b) La purification ethnique

Historiquement, c’est les Serbes qui l’ont subi de la part de leurs détracteurs. Mais le thème « Serbes = nazi » a fonctionné comme un syllogisme.

c) Les camps

L’imaginaire de l’opinion publique et l’état psychose ont fait le travail (ne parle-t-on pas de camps scouts) malgré les témoignages avertis de Simone Weil, Elie Wiessel (prix Nobel de la paix en 86 et écrivain français, naturalisé Américain à la fin de sa vie), qui ont déclarés que les camps de prisonniers serbes n’avaient rien à voir avec les camps de concentration nazis.

M. Merlino cite un exemple : la campagne de diabolisation des Serbes est passée par l’utilisation dans la presse mondiale d’une photo montrant un homme émacié se tenant derrière les barbelés. II aura fallu la vigilance d’une Allemande ayant remarqué que les barbelés étaient bizarrement cloués et la perspicacité de son mari journaliste, Thomas Deichman, qui fit une contre-enquête pour que la supercherie éclate : sur la photo originale, et non celle cadrée pour la presse, cet homme était entouré d’autres hommes nullement émaciés. De plus, il s’agissait d’un réfugié et non d’un prisonnier. Comble de l’arnaque, les barbelés étaient ceux d’un pâturage ! Les démentis circulèrent, mais que reste-t-il aujourd’hui dans l’opinion publique ?

d) Les viols

L’idée était de faire croire à l’opinion publique que les Serbes avaient un plan systématique de viol. Le Nouvel Observateur de janvier 93 titra : « Aucun doute n’est plus permis sur le caractère systématique de cette pratique dans le cadre du plan de purification ethnique ».
La Commission des Nations Unis a fait une estimation de 2400 victimes, fondée sur 119 cas connus (les trois communautés confondues). La Commission du Conseil de Sécurité a interrogé 223 victimes qui ont évoqué environ 4500 cas. Les Serbes ont donc épisodiquement violé des Musulmanes et non pas systématiques. De plus, on est pas certain qu’il ait fallu des ordres pour cela. Mais, qu’a retenu le public ?

e) Les charniers

Une grande utilisation a été faite du mot charnier ce qui a entretenu la psychose. Finalement, ceux-ci se sont révélés être peu de choses d’après l’avis même des observateurs internationaux. Jusqu’à présent, jamais femmes ni enfants ni furent retrouvés. De plus, une guerre est avant tout une tuerie, qui produit ses cadavres. Or, pour l’ennemi, la fosse commune suffit. La presse s’était ému du massacre de 3000 Musulmans censés être enterrés dans un charnier à Srebrenica ; or, lors des élections organisés sous surveillance des observateurs internationaux, il étaient à peu près tous présents pour voter. Ont-ils ressuscité ou y a t’il eu mensonges ?

f) les massacres de Sarajevo

Rappelons les faits : le 27 mai 92, le 5 février 94 et le 28 août 95, les Serbes sont censés avoir bombarder la population civile (musulmane) de Sarajevo. Les pertes sont décrites comme considérables, la 1ère fois devant une boulangerie, les 2 autres sur une place de marché. Les Serbes nient avoir tiré.
Les investigations montrent les trois fois que l’hypothèse d’un tir Serbe n’est pas plausible. D’abord, sur des critères balistique indiquant que les mortiers serbes ne pouvaient atteindre ces objectifs. De plus, les cratères n’étaient pas en faveur d’un tir de mortier. Les victimes ne présentaient que des blessures aux parties inférieures comme à la suite d’une explosion au sol. Lors de la dernière catastrophe, les observateurs militaires de l’ONU ont indiqué qu’il était probable que l’obus ait été lancé par les Musulmans. De nombreuses personnalités militaires, M. Owen mettaient fortement en doute les attaques serbes. Tout cela n’empêcha pas l’hystérie des médias.

Quel en fut le résultat : les réactions de la Communauté internationale furent de plus en plus brutales et menaçantes à l’égard des Serbes, de l’armement fut livré, par les USA, aux Musulmans. II y eut 3000 sorties d’avion de l’OTAN qui bombardèrent des cibles serbes civiles et militaires. Or, aucun pays de l’OTAN n’était en guerre avec la Serbie.

La psychose mise en place engendra naturellement l’appel au sang.

L’intuition profonde de Lénine et Goebbels se révèle exacte : la vérité ne compte pas, à la limite, elle n’existe pas existe que ce que l’on veut faire croire aux gens, ou, mieux encore, ce qu’on leur fait croire qu’ils croient.

7. En guise de conclusion…

Voilà donc un bref aperçu de ce qu’est la désinformation et comment elle se pratique. II ne s’agit que d’un exposé très parcellaire malheureusement. Je pense qu’il ne peut y avoir d’actions civique et politique sans une connaissance solide de la désinformation et bien évidemment des autres techniques de subversion. Inconnue il y a 30 ans, la désinformation est devenue aujourd’hui un quasi mode de vie. Ses applications militaires et stratégiques, inaugurées par les Soviétiques, sont de plus en plus évidentes et certaines. Si l’information est désormais considérée comme la « 5ème dimension de la bataille aux côtés des dimensions terre, air, mer et espace » par David Bouden, spécialiste de l’armement, que doit-on conclure en ce qui concerne la désinformation ? Ainsi, dans nos sociétés occidentales de surinformation, où les médias ont perdu leur indépendance face aux grands groupes multinationaux, aux multiples ramifications parfois politiques, toujours sans visages et vendus leur liberté d’expression au dieu « politiquement correct » et à la déesse « pensée unique », l’ignorance de ces pratiques ne doit plus nous échapper. Nous vivions, en effet, à une époque où il est « aware » de se sentir concerné et interpellé par ce qui se passe dans le monde. Or, Roger Mucchieli, spécialiste de la subversion, considère que « c’est l’appartenance à des groupes cohésifs qui sert de remparts contre les méthodes de subversion grâce à la résistance du système des opinions individuelles lorsqu’il est soutenu par la sécurité de l’appartenance, et soumis, grâce aux échanges sociaux affectifs, à un renforcement permanent ». Mais, ces groupes cohésifs ont été décapités (allez savoir par qui) les uns après les autres. Les castes, les corporations, les patries, la notion de famille ont été éliminées. Honte à ceux qui oseraient encore s’en réclamer. Honte à nous… Même la barrière génétique, biologique, physique des sexes tombe à l’heure actuelle, elle est décapitée par l’apologie de l’homosexualité, du transsexuel et de l’unisexe. Mais, j’oubliais la liberté des individus à disposer d’eux-mêmes, de leurs corps et de leur âme tel qu’ils l’entendent ou plus précisément dans le sens dans lequel On cherche à les faire aller » et je range mes arguments de jeune réac’. Honte à moi…

Conférence du 14 mars 2002.

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