Résumé de la conférence de Monsieur Bruno SAVORNIN

“ La terre est elle surpeuplée ? Analyse catholique des perspectives d’évolution de la population mondiale au XXI° siècle.”

Introduction

Selon l’hypothèse répandue dans l’enseignement public et dans les média, la population humaine serait proche du maximum possible. Est-elle vraie?

Pour qu’une population puisse vivre, il lui faut essentiellement de l’espace pour construire son habitat, de l’eau et de la nourriture pour se nourrir et de quoi s’habiller pour se protégér des intempéries. D’où les trois questions suivantes:

Combien d’hommes peuvent loger raisonnablement sur terre?
Combien d’hommes peut nourrir la terre?
Combien d’hommes peuvent trouver de quoi se vêtir?

Les 2 dernières questions peuvent se résumer en une seule, car les animaux peuvent servir à la fois de nourriture (viande, poisson) et de vêtement (laine, peaux).

1) Densité de population

La densité estimée de la population mondiale est de 50 habitants au km2 au 1/1/2019.

A titre de comparaison, il y a actuellement 20 781 habitants au km2 à Paris. Si la terre était aussi densément peuplé que Paris, elle compterait 3 105 milliards d’êtres humains. A noter que Paris comptait 2,9 millions d’habitants dans les années 1920 contre 2 190 327 seulement en 2018. Et on vit aussi longtemps à Paris qu’ailleurs en France.

2) Superficie consacrée à l’agriculture

Dans le monde, 50 millions de km2 est consacré à l’agriculture, soit 33% des terres émergées.

Dans le monde entier, « La superficie des terres arables reste globalement à peu près constante depuis 1970. Les terres cultivées régressent de 110 000 à 120 000 km2 par an ».

En France, la superficie occupée par l’agriculture s’est réduite de 360 000 à 270 000 km2 entre 1960 et 2010, ce qui n’a pas empêché la population d’augmenter.

La forte augmentation de la population n’a donc que peu réduit la superficie consacrée à l’agriculture.

Cette petite réduction n’empêche d’ailleurs pas de mieux nourrir la population, puisque l’espérance de vie croit presque partout dans le monde, notamment en Afrique.

Dans les années 2000, des démographes ont estimé qu’au niveau de vie français (qui est très élevé), on pourrait nourrir 100 milliards d’êtres humains sur la terre. Cette estimation n’est pas stable dans le temps. Elle pourrait être revue à la hausse grâce à l’amélioration de la qualité des aliments et des techniques agricoles.

3) Perspectives d’évolution de la population

a) Taux de croissance de la population mondiale depuis 1950

Il passe d’un peu moins de 1,5% à 2,2% en 1963 avant de commencer à diminuer. Il est estimé à un peu plus de 1,1% en 2017. Cependant, dans des dizaines de pays dans le monde, une partie importante des naissances sont enregistrées avec une ou plusieurs années de retard. Les recensements décennaux permettent d’évaluer le taux de sous-enregistrement et d’avoir des données plus précises sur les taux de fécondité dans ces pays. Ainsi, toutes les estimations de population datant de moins de 10 ans sont à relativiser.

Les pays où l’état civil connaît des sous-enregistrement et des retards importants d’enregistrements sont surtout situés en Afrique, en Amérique latine et en Asie du sud ou du centre.

b) Evolution de la fécondité

Il n’existe pas d’évaluation au niveau mondial avant 1950, notamment du fait du sous-enregistrement des actes et d’absence de recensements réguliers dans la plupart des pays du monde.

A partir de 1950, on constate une légère hausse jusqu’en 1964 (5,07 enfants par femme dans le monde) avant que la baisse ne commence. Si la baisse de la fécondité est moins rapide depuis le début du XXIe siècle, elle continue néanmoins et elle est donc préoccupante. Entre 2011 et 2016, l’indice est passé de 2,49 à 2,44 enfants par femme, soit -0,01 enfant par an.

c) La fécondité baisse fortement à partir de 1964 dans les pays catholiques (sauf en Afrique), mais pas dans les non-catholiques

Or, pendant les 10 années qui suivent le début de la forte baisse de la fécondité en Europe

Le chômage n’augmente quasiment pas

et le PIB progresse toujours à un rythme élevé.

Il est donc probable que la cause de cette baisse soit religieuse ou/et sociale.

La date de 1964 est à retenir: dans 4 des 9 pays catholiques d’Europe de l’Ouest à cette époque (Belgique, Espagne, Irlande et Italie), l’indice de fécondité a atteint son maximum de la période 1950-2017 en 1964. Dans 4 autres (France, Luxembourg, Malte et Portugal), en 1964, l’indice était très proche du maximum sur cette période (moins de 0,05 enfant par femme d’écart). Pour le 9e pays (Malte), je ne dispose pas des données complètes de 1950 à 2017, mais seulement de 1977 à 2017.

Il en va tout autrement dans les anciens pays communistes ayant à l’époque une population majoritairement catholique. Dans ces 7 pays, la fécondité a commencé à fortement baisser dès les années 1950. Voici la situation des pays de la baisse la moins forte à la baisse la plus forte:

En Lituanie, la fécondité baisse dès 1959 et la baisse atteint 0,34 enfant par femme en 1964 (2,29 contre 2,63 en 1959);

En Tchéquie, la fécondité baisse dès 1950 et la baisse atteint 0,44 enfant par femme en 1964 (2,36 contre 2,80 en 1950);

En Slovaquie, la fécondité baisse dès 1951 et la baisse atteint 0,67 enfant par femme en 1964 (2,91 contre 3,58 en 1951);

En Slovénie, la fécondité baisse dès 1950 et la baisse atteint 0,68 enfant par femme en 1964 (2,32 contre 3,00 en 1950);

En Croatie, la fécondité baisse dès 1950 et la baisse atteint 0,81 enfant par femme en 1964 (2,12 contre 2,93 en 1950);

En Pologne, la fécondité baisse dès 1951 et la baisse atteint 1,09 enfant par femme en 1964 (2,65 contre 3,74 en 1951);

En Hongrie, la fécondité baisse dès 1954 et la baisse atteint 1,17 enfant par femme en 1964 (1,80 contre 2,97 en 1954).

Quelques données de base sur l’évolution de la population mondiale par continent (en 1800 et 1900, les données peuvent être considérées exactes à 10% près):

En 1800:

Asie: 646 millions d’habitants (66,7% de la population mondiale)
Europe (y compris Russie): 195 millions d’habitants (20,1%)
Afrique: 101 millions d’habitants (10,4%)
Amérique: 24 millions d’habitants (2,5%)
Océanie: 2 millions d’habitants (0,2%)

Total en 1800: 968 millions.

En 1900:

Asie: 902 millions (56,1% de la population mondiale)
Europe (y compris Russie): 416 millions (25,9%)
Amérique: 165 millions (10,3%)
Afrique: 118 millions (7,3%)
Océanie: 6 millions (0,4%)

Total en 1900: 1 607 millions.

Bilan du XIXe siècle

Très forte augmentation de la part de l’Amérique (grâce à une fécondité très élevée: 5 à 9 enfants par femme selon les pays) et forte augmentation de la part de l’Europe et de l’Océanie (fécondité élevée) au détriment de l’Asie et de l’Afrique qui subissent une forte mortalité.

Celle-ci est due aux nombreuses épidémies et famines ainsi qu’aux nombreuses guerres internes à ces deux continents et à l’esclavage.

L’esclavage commence à diminuer en Afrique suite à l’arrivée des missionnaires et à l’intervention des législateurs des pays colonisateurs. Aujourd’hui encore, l’esclavage n’a toujours pas disparu. De nombreuses réunions intergouvernementales (Rama YADE, ministre de Sarkozy, avait participé à l’une d’entre-elles) ont lieu régulièrement pour lutter contre la « Traite des êtres humains » (nouveau nom technocratique pour désigner l’esclavage).

En 2000:

Asie: 3631 millions (60,4% de la population mondiale)
Amérique: 819 millions (13,6%)
Afrique: 800 millions (13,3%)
Europe: 727 millions (12,1%)
Océanie: 30 millions (0,5%)

Total en 2000: 6007 millions.

Bilan du XXe siècle

L’Amérique poursuit sa progression, à un rythme ralenti car la fécondité baisse à partir du milieu des années 1960. L’Asie reprend une partie de ce qu’elle avait perdu au XIXe siècle. L’Afrique voit sa part presque doubler: l’action des colonisateurs (lutte contre l’esclavage, contre les guerres tribales, constructions d’hôpitaux et dispensaires) augmente l’espérance de vie tandis que la fécondité ne baisse que peu (5 enfants par femme environ en l’an 2000). L’Océanie poursuit sa progression grâce au maintien d’une fécondité élevée.

L’Europe voit va part diviser par plus de deux, car la fécondité a fortement baissé dès la 1e moitié du XXe siècle dans la plupart des grands pays européens: c’est le cas en Allemagne, en France, au Royaume-Uni, en Italie, en Espagne, en Pologne, en Roumanie, aux Pays-Bas, en Tchéquie, en Hongrie et au Portugal. Dans ces pays, la fécondité subit une baisse de 0,5 à 2 enfants par femme durant cette période même si elle reste au dessus du seuil de renouvellement des populations, à l’exception de la Tchéquie (1,66 enfant par femme en 1936, mais à nouveau 2,80 en 1950).

En 2018 (estimations selon les instituts nationaux de statistiques)

Asie: 4447 millions (59,4%)
Afrique: 1256 millions (16,8%)
Amérique: 996 millions (13,3%)
Europe: 745 millions (10,0%)
Océanie: 41 millions (0,5%)

Total: 7485 millions, soit 7,485 milliards.

Depuis 2000, la part de l’Afrique a continué à s’accroître au détriment de l’Asie, de l’Amérique et surtout de l’Europe qui a perdu plus de points en 18 ans à peine. Par rapport à 1800, l’Afrique est passé de la 3e à la place, l’Amérique de la 4e à la 3e et l’Europe de la 2e à la 4e.
Pour terminer ce rapide panorama, voici les indices de fécondité en Europe de 2013 à 2017 (provisoires pour 2016 et 2017 pour certains pays, mais les chiffres définitifs ne seront guère différents). Le classement est effectué en fonction des indices de 2017. La moyenne européenne se situe entre 1,5 et 1,6 pour 2017.

2013 2014 2015 2016 2017
Monaco 2,6 2,4 2,6 2,5 2,5
Irlande 1,96 1,94 1,92 1,81 1,86
France métr. 1,97 1,97 1,93 1,89 1,86
Suède 1,89 1,88 1,85 1,85 1,78
Monténégro 1,73 1,75 1,73 1,79 1,78
Danemark 1,67 1,69 1,71 1,79 1,75
Royaume-Uni 1,83 1,82 1,80 1,79 1,74
Islande 1,93 1,93 1,81 1,75 1,71
Lettonie 1,53 1,65 1,71 1,74 1,70
Kosovo 1,90 1,66 1,70
Tchéquie 1,46 1,53 1,57 1,63 1,69
Belgique 1,75 1,73 1,70 1,68 1,65
Lituanie 1,59 1,63 1,70 1,69 1,63
Russie 1,71 1,75 1,78 1,76 1,62
Norvège 1,78 1,76 1,73 1,71 1,62
Slovénie 1,55 1,58 1,57 1,58 1,62
Pays-Bas 1,68 1,71 1,66 1,66 1,61
Estonie 1,52 1,54 1,58 1,60 1,59
Allemagne 1,42 1,47 1,50 1,59 1,57
Roumanie 1,46 1,52 1,58 1,64 1,56
Bulgarie 1,48 1,52 1,53 1,54 1,56
Biélorussie 1,67 1,70 1,72 1,73 1,54
Suisse 1,52 1,54 1,54 1,55 1,52
Autriche 1,44 1,46 1,49 1,53 1,52
Slovaquie 1,34 1,37 1,40 1,48 1,52
Finlande 1,75 1,71 1,65 1,57 1,49
Hongrie 1,34 1,41 1,44 1,49 1,49
Serbie 1,43 1,47 1,46 1,46 1,48
Pologne 1,26 1,29 1,29 1,36 1,45
Liechtenstein 1,45 1,59 1,40 1,61 1,44
Albanie 1,73 1,73 1,60 1,54 1,43
Mac. du N. 1,48 1,52 1,49 1,50 1,43
Croatie 1,46 1,46 1,41 1,43 1,42
Luxembourg 1,55 1,50 1,47 1,40 1,39
Ukraine 1,51 1,50 1,51 1,47 1,37
Portugal 1,21 1,23 1,30 1,36 1,37
Grèce 1,29 1,30 1,33 1,38 1,35
Chypre
(part. grec.) 1,30 1,31 1,32 1,37 1,32
Italie 1,39 1,37 1,35 1,34 1,32
Espagne 1,27 1,32 1,33 1,34 1,31
Malte 1,37 1,42 1,44 1,37 1,26
Moldavie 1,24 1,28 1,30 1,28 1,19
Andorre 1,18 1,21 1,23 1,19 1,13
Bosnie et
Herzégovine 1,28 1,26 1,24 1,26
Saint-Marin 1,26 1,10

Les cases non remplies correspondent à des données non publiées.

Article complémentaire sur la faible densité de population de la France:
https://www.cairn.info/revue-population-et-avenir-2010-5-page-3.htm